Madame Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, propose de s’attaquer à la gestion des déchets issus du BTP via la “gratuité” de leurs dépôts dans les déchetteries et un développement de celles-ci afin d’assurer un meilleur maillage du territoire.
Nous propose t-on les bonnes solutions et pourquoi le faire maintenant ?
Nous allons, dans cet article, analyser ce qui est proposé et, conformément à nos habitudes, émettre nos propres propositions.
Pourquoi maintenant
Petit rappel de la chronologie des faits :
- 05 aout 2019, un lundi soir ordinaire (mais qui ne va pas le rester …), Monsieur Jean-Mathieu MICHEL, maire de la commune de Signes, dans le Var, surprend des individus déposant, illégalement, des déchets sur le bord d’une route de sa commune.
- L’élu leur demande d’abord de les ramasser. Puis d’attendre la venue de la police municipale en vue de les verbaliser.
- Après avoir été percuté par le véhicule, il décède.
- la justice est en charge de cette affaire et devra déterminer, entre autres, s’il y a eu intention d’échapper par tout moyen à la verbalisation ou s’il s’agit d’un accident…
Ce fait divers (peut-on inscrire la mort d’un homme dans les faits divers ?) a provoqué une vague d’indignation.
D’un coup, on découvrait qu’il y a, en France, un problème global de gestion des déchets, de ceux du bâtiment entre autres…
Comme trop souvent par le passé et de la part de tous ceux qui l’ont précédé, sous le coup de l’émotion, le gouvernement, sous pression et dans l’urgence, essaie de se saisir du sujet.
Madame la secrétaire d’Etat, Brune POIRSON, a fait, le 05 septembre, des propositions, ou en tout cas, a lancé des pistes.
Miracle, en un mois sec de date à date, et pendant les vacances, on a LES solutions au problème ! Mais alors, pourquoi n’a-t-on rien fait avant ?
Nous abordons souvent ici le problème du recyclage (nous avons ainsi, spécifiquement, passé en revue : le ciment, la laine de verre, le polystyrène, le polyuréthane et d’autres produits et/ou matériaux sont régulièrement épinglés dans nos colonnes).
Conscients que nous sommes que nous ne devons pas considérer la planète comme une source inépuisable de fourniture de matières premières pour assouvir notre boulimie de consommateurs irresponsables, conscients également que nous ne devons pas la traiter en exutoire de ces produits consommés lorsqu’ils sont en fin de vie (ou en tout cas en fin d’utilisation…), nous pensons que ce sujet doit être traité sur le fond et dans sa globalité.
Ces problèmes de gestion sont connus de longue date et nous en présentons ici une preuve avec la dénonciation depuis plus de 2 ans d’un stockage illégitime à 30 km de la capitale (Carrières sous Poissy 78), sans résultat à ce jour. Une association, Rive de Seine, Nature, Environnement, poursuit l’état pour défaut de décision dans la résolution de ces faits.
Pourquoi y-a-t-il un ou des problèmes lié(s) aux déchets
Parce qu’il y a des déchets
C’est enfoncer une porte ouverte que de rappeler ce fait et pourtant…
Tel que les chantiers étaient réalisés autrefois, il y a 100 ans ou plus, il n’y avait quasiment pas de déchets : les moyens de transport n’auraient pas permis de les gérer, les maîtres d’ouvrage n’en avaient pas les moyens financiers, on travaillait avec des matériaux locaux, bio sourcés, les difficultés d’approvisionnement et pour se procurer les ingrédients étaient telles que les chutes étaient valorisées et les éléments déposés recyclés…
Les déchets les plus couramment rencontrés sont quelques gravats et/ou copeaux que l’on retrouve en démontant des doubles planchers, renforçant ainsi l’isolation phonique entre niveaux, parfois des résidus de taille de pierre, lesquels servaient de remplissage dans le cadre de l’élévation des murs supérieurs, bref, presque du surcyclage.
Pas de déchets … Pas besoin de les gérer !
Parce que gérer des déchets coûte cher
Il faut faire payer quelqu’un… alors que personne ne veut assurer cette charge !
Il ne faut pas déplaire aux électeurs, aux acheteurs, aux industriels, aux financiers…
Les intentions (en tout cas apparentes)
Les français génèrent des volumes considérables de déchets.
Selon l’ADEME (derniers chiffres communiqués et analysés dans leur ensemble, au titre de l’année 2016 -pdf-, la France a généré 315 millions de tonnes de déchets industriels dont 78 %, soit 247, sont issus du BTP (Bâtiment et Travaux Publics). En comparaison, les déchets ménagers, dont on nous parle beaucoup plus, font figure de petit poucet avec 30 millions de tonnes, presque un excellent élève.
Les chiffres varient un peu d’une source à l’autre mais demeurent toujours dans ces ordres de grandeur et proportion.
Il est effectivement impératif de faire quelque chose !
Madame la secrétaire d’Etat propose la gratuité de la dépose dans les déchetteries des déchets issus des chantiers. Il n’est pas précisé la source et l’origine de ces déchets, mais nous pensons (libre interprétation) qu’il s’agit de ceux issus des petits chantiers type “maison individuelle”.
En effet, il ne semble pas sérieux d’envisager d’y déposer les résidus des chantiers de bâtiments collectifs, tertiaires, industriels ou commerciaux … sauf à risquer un ballet continu des bennes, ce qui n’aurait pas de sens !
Il semble encore plus improbable que ceci concerne les déchets issus des grands travaux d’équipements réalisés pour répondre aux besoins qualifiés “d’intérêt collectif” (routes, aéroports, ports, voies ferrées…), ce qui aurait encore moins de sens.
Que met-on dans les déchets du BTP
On y trouve aussi bien ceux issus des grands travaux d’infrastructure (creusement de tunnels routiers, ferroviaires, réalisation de routes, rabotage des anciennes bandes de roulement avant de les resurfacer, création ou amélioration de pistes d’aéroport, démontage de friches industrielles…) que l’emballage de la pompe à chaleur qui équipera la maison de Monsieur tout le monde.
Nous n’avons pas trouvé la répartition entre l’habitat en général et le reste des activités du BTP, pas plus que ce qui est imputable aux chantiers individuels mais il semble évident que les volumes issus des grands travaux sont très importants (voir, globalement, le paragraphe ci-avant intitulé “Les intentions …”).
Que fera-t-on de ces déchets
Identifier les déchets et les collecter sont des nécessités, encore faut-il s’entendre sur ce qu’on en fait ensuite.
Ce qui en est fait génère soit un travail supplémentaire, soit un coût supplémentaire, qu’il s’agisse de recyclage, d’enfouissement, de destruction ou autre.
Sauf à faire porter ces charges ou externalités par la communauté, ce qui semble injuste, il faut que quelqu’un l’assume.
Qui émet les déchets
Les déchets sont de deux ordres au moins : reliquats de mise en œuvre (taillage, mise aux dimensions, surplus…) ou préparation avant mise en œuvre (enlèvement de matériaux anciens, préparation de supports, ce qui génère aussi des chutes).
Ils sont générés sous la responsabilité d’une ou plusieurs entités, parmi lesquelles on peut citer : le bénéficiaire direct ou son futur locataire; le donneur d’ordre (qui peut aussi être le bénéficiaire lui-même ou celui à qui il a délégué les pouvoirs de décision et de maîtrise d’œuvre); l’industriel fabricant ou producteur; le négoce qui en permet la distribution; l’opérateur de chantier, c’est à dire celui qui assure la mise en œuvre (ou l’enlèvement d’un ancien produit et/ou matériau avant la mise en œuvre d’un nouveau) …
Le bénéficiaire
Attendu que c’est celui qui occupera les locaux ou en tirera un revenu du fait de loyers, il semblerait normal qu’une partie au moins de la gestion des déchets lui incombe.
Cependant a-t-il opéré des choix éclairés, libres, en connaissance de cause ou … “conseillé” par des vendeurs, donneurs d’ordres, influenceurs ou autres qui auraient des intérêts à l’orienter d’une certaine manière ?
Donneur d’ordre
C’est celui qui décide des choix et en ordonne l’exécution. Il semble normal de lui transférer une partie de la responsabilité … sauf qu’en cas de maîtrise d’œuvre déléguée, il peut ne s’agir, pour lui, que de faire exécuter des désirs ou des ordres venant du maître d’ouvrage…
Industriel
Du fait que tout matériau a une fin de vie, laquelle entraînera une gestion plus ou moins lourde, il semble qu’au moins pour cet acteur, la responsabilité soit normale et non discutable puisqu’à tout le moins, il doit connaître ce qu’il fabrique, savoir comment vivra et vieillira son produit … sauf à avouer une totale irresponsabilité vis-à-vis de ses clients, de leurs biens, de leur santé et de celle de la planète. Si tel est le cas, le faire d’emblée participer devrait l’inciter à se poser les bonnes questions sur ses productions.
Si, ayant répondu aux questions, il continue à vendre son produit alors même qu’il est prouvé que celui-ci a un impact négatif fort, il ne serait que justice de le faire payer… beaucoup !
Ceci pourrait éviter ce que nous connaissons avec l’amiante, scandale du passé qui voit encore et toujours les tribunaux prononcer des non-lieux que nous considérons scandaleux !
Négoce ou distributeur
Les faire entrer dans la boucle semble aussi normal, mais sont-ils les principaux responsables ? Probablement pas car ils répondent à une demande, ils ne sont ni les générateurs de la demande (… encore que, dans le cadre du conseil, ils pourraient parfois être plus avisés qu’ils ne le sont), ni les prescripteurs ni ceux qui permettent à la demande d’émerger ou perdurer.
Nous verrons plus loin qu’ils risquent d’être le rouage le plus important, le collecteur, si le projet voit le jour, en l’état de ce que nous en avons compris en tout cas !
Poseur du nouveau matériau
Il s’agit, cette fois, du dernier opérateur, celui qui, sur le chantier, réalise les travaux de mise en œuvre. Son identification semble facile, mais ce n’est parfois qu’une apparence. En effet, s’agit-il de celui qui a traité le chantier, d’un opérateur qui agit en tant que sous-traitant, sous-traitant de sous-traitant ?
Si le faire participer à la gestion des déchets semble normal et logique, il s’avère que d’en déterminer la responsabilité, savoir si elle est pleine ou partielle, est beaucoup plus complexe qu’il y paraît de prime abord.
Démonteur
Souvent, avant même que des travaux soient réalisés, il faut faire place nette, c’est-à-dire déposer, détruire et évacuer des installations et/ou matériaux préalablement présents.
Nous voyons d’ores et déjà que se pose aussi la question de savoir à qui imputer la responsabilité, tant environnementale que financière de la gestion de ce qui est engendré et que force est de constater que ce sont aussi des déchets.
Il ne semble pas normal de faire porter la charge de ceci par l’entreprise qui en assure la réalisation, sauf à ce qu’elle l’impute au client final.
Destination des déchets
Ces déchets sont-ils surcyclables, recyclables, valorisables ou inutilisables ?
S’ils sont surcyclables, ils entrent dans la catégorie de ce qu’on nomme l’économie circulaire. Ce sont même les seuls qui peuvent présenter un intérêt majeur car ils sont alors valorisés au moins aussi bien que dans leur fonction d’origine, voire mieux !
Ceux qui sont seulement recyclables ne permettront jamais d’atteindre ce que nous laisse croire l’économie circulaire car il y a alors, a minima, consommation d’énergie pour réaliser le recyclage, au pire, perte de volume ou de qualité lors du réemploi, donc nécessairement il est fait appel, au moins partiellement, à des ressources nouvelles.
La valorisation est, quant à elle, la moins mauvaise des solutions entre cette option et la destruction ou l’enfouissement en tant que déchet ultime.
S’ils sont inutilisables, alors ils finiront enfouis en tant que déchets ultimes. C’est encore, à ce jour, pratiqué à très grande échelle, y compris pour des matériaux dont on nous dit le contraire. Il y a une grande différence entre le fait qu’une chose ou un élément soit techniquement recyclable et le fait qu’il soit réellement recyclé … à commencer par des raisons économiques. C’est ce que nous avons déjà démontré pour plusieurs produits tels que, par exemple : la laine de verre, le polystyrène, le polyuréthane, le béton …
Économie circulaire
Que ne nous vante-t-on pas les mérites de l’économie circulaire ! Elle fait l’objet d’un projet de loi qui, bien qu’il aurait semblé normal qu’il bénéficie d’un consensus général dès le départ a, d’emblée, suscité des débats et tarde à être voté car les lobbyistes sont entrés dans la danse et chacun essaie soit d’en réduire l’impact, soit, au contraire, de l’étendre…
État des déchets
Le recyclage impose, d’emblée, que les matériaux soient correctement triés, c’est-à-dire qu’ils soient, pour certains, mis par classe de destination (par exemple les différents combustibles).
Pour la majorité, chaque produit doit être exempt de pollution d’autres produits (c’est à dire que la matière de base doit être séparée de toutes les autres, par exemple, pour des plaques de plâtres pré-isolées avec du polystyrène, il faut que les feuilles de plâtre soient séparées de l’isolant …).
Nécessité et difficultés du tri
Certains matériaux ont connu des évolutions dans leurs compositions, par exemple les polystyrènes qui ont été ignifugés. Jusqu’à récemment, beaucoup ont été traités avec des ignifugeants bromés (pdf). Aujourd’hui, non seulement ces ignifugeants sont interdits mais les produits qui en contiennent sont interdits de recyclage … Comment les reconnaître et les trier ?
On le voit, bien des questions sans réponse et qui ne trouveront certainement pas un solutionnement uniquement parce qu’on y consacre quelque argent …
Qui paiera
La question est d’importance, en effet, il n’est pas possible d’envisager la gestion de tous ces déchets de façon gracieuse ou en s’appuyant sur un financement pré-existant.
Faut-il rappeler, ici et pour exemple, que les industriels de l’amiante, lesquels ont grassement gagné leur vie avec ce matériau, ne participent aucunement à sa gestion maintenant qu’il est non seulement devenu interdit, mais que son retraitement, devenu obligatoire est, de fait, extrêmement coûteux ! Bel exemple d’externalité non prise en compte dans l’approche initiale … espérons n’avoir pas à revivre ce genre de situation un jour …
Plus récemment, nous avons souligné les responsabilités de certains industriels, déjà conscients des difficultés en fin de vie de leur matériau, le polyuréthane. Comme quoi ils sont conscients qu’il y a problème …
Pourquoi un coût puisqu’on parle de gratuité ?
Nous aimerions tous que le tri, le recyclage, le respect de l’environnement soient déjà en place, organisés, financés, bref, que ce que nous devrons initier l’ait déjà été.
Hélas, il n’en est rien !
Ce qui est magnifique lorsqu’on cherche sur internet quels sont les acteurs du recyclage et qu’on ouvre les sites des Paprec, de Eco-emballage et de tant d’autres, parmi lesquels de très grosses entreprises, on nous présente les responsabilités de l’Etat, des départements, des collectivités diverses… comme si ces entreprises ne faisaient que leur rendre le service de la gestion et du traitement… Pouvons-nous rappeler qu’il s’agit bien de services assurés ou travaux réalisés à titre onéreux ? Il s’agit même d’une des activités les plus lucratives qui soit !
Pouvons-nous espérer que, fortes de leurs bénéfices déjà considérables, ces entreprises assureront gracieusement les nouvelles fonctions ? Bien sûr que non, ce serait d’ailleurs suicidaire et nul n’en demande autant. Un extrait de l’article proposé ci-avant en lien est même très clair sur ce sujet (extrait) :
“… Mieux armées, les entreprises du déchet et du recyclage pourront poursuivre leur croissance. L’accélérateur PME de Bpifrance est ainsi incité à participer. Stratexio, le programme d’accompagnement stratégique à l’international des PME piloté par le Medef, sera mis à contribution pour accompagner la croissance des entreprises hors des frontières. Le label « French Fab », inspiré de la French Tech, intègre déjà les acteurs du recyclage.
Ces initiatives, destinées à aider une filière de 112 000 emplois directs et au chiffre d’affaires de 19,3 milliards d’euros en 2017, seront prochainement complétées par la loi post-feuille de route économie circulaire, actuellement en phase de préparation …”
La collecte des déchets se fera donc, d’une manière ou d’une autre, à titre onéreux, il s’agit alors d’un tour de passe-passe lorsque Madame Poirson nous parle de gratuité, ce que nous allons démontrer !
Quelle incidence pour le client final ?
Bien sûr qu’il y aura une incidence pour le client final puisque, de toute façon, sauf à espérer que les opérateurs agissent comme des mécènes, sauf à espérer que les fabricants ou les autres acteurs réduisent leur marge, ce qui est non seulement pas envisagé mais tout simplement probablement pas envisageable … il faudra bien que quelqu’un paie.
Ceci se fera probablement via un coût répercuté sur le devis et la facture finale de l’opérateur. Ceci est tout bénéfice pour les divers acteurs de l’ensemble des filières : ils appliqueront une marge équivalente sur un matériau initialement plus cher; idem pour l’état qui appliquera une TVA fixe sur un prix plus élevé…
Non pas que nous soyons pour que ceci soit gratuit, mais nous faire ainsi prendre des vessies pour des lanternes en nous parlant de gratuité alors que, de fait, ça ne l’est pas, nous semble abusif !
Camoufler ne suffit pas, il faut être clair et honnête.
Effet délétère de ce projet
Puisque, a priori, ceci se fera sans que le consommateur ressente réellement le surcoût, puisque, a priori, ceci sera organisé sur les produits actuels et en s’appuyant sur les circuits déjà en place… rien ne changera si ce n’est, ce qui est déjà bien, limiter les décharges sauvages…
Nous ne sommes même pas persuadés qu’un maillage plus serré des déchetteries résoudra le problème car rejeter sur une route de toute façon empruntée lors du déplacement entreprise/chantier sera toujours plus rapide et donc moins coûteux que de se rendre volontairement en un point où il faudra attendre son tour… sans parler des probables complications administratives !
Nous sommes face à des propositions qui valideront le fonctionnement actuel et lui permettront de perdurer !
Y aurait-il d’autres possibilités ?
Est-il normal de réintervenir sur des travaux réalisés récemment (par exemple, qui entretient les VMC double-flux aux fins de limiter leur encrassement, lequel réduit leur durée de vie aux environs de 15 ans alors même que leur amortissement est généralement calculé sur beaucoup plus ?)
Oui si les matériaux ont été mal choisis, mis en quantité insuffisante, mal prescrits, mal mis en œuvre… bref, s’il y a eu défaut dans la chaîne allant de l’analyse du besoin à la prescription et/ou à la réalisation !
Ne serait-il pas plus simple et judicieux de prescrire la bonne solution pour répondre au besoin réel et de veiller à ce que la réalisation ou l’entretien soient tels qu’ils assurent une pérennité de l’ensemble tant dans sa tenue que dans sa performance ?
Prescription selon besoin réel
Il nous semble important de ne mettre en place que les quantités de matériaux nécessaires.
Qu’y a-t-il de plus ridicule que de consommer des ressources inutilement pour installer un système aux fins d’atteindre un rendement déterminé alors même que cet équipement ne permettra jamais d’amortir la dépense (cf notre démonstration dans un article abordant les VMC Double-flux).
Nous avons mis en exergue ici le fait que dans le cadre de la classification E+C-, le plus important n’est pas que tout soit mis sur la performance (E de “énergie”) mais sur les émissions de carbone (C de “carbone”)… Hélas, ce n’est pas la voie qui est la plus pratiquée.
Normal, nous faisons le contraire depuis des décennies… Difficile de changer de paradigme ! Pourtant, plus vite nous prendrons le virage mieux ce sera, à la fois pour la planète et pour les générations futures … même si ça l’est moins pour les fabricants et fournisseurs ainsi que pour ceux qui prescrivent et/ou calculent.
Prescription du bon matériau et/ou matériel
Est-il normal de continuer encore et toujours à sélectionner les produits les moins chers, les plus faciles à mettre en œuvre quand bien même ils seraient connus pour être moins durables, non ou difficilement recyclables, fortement consommateurs d’énergie et/ou ressources fossiles, plus émetteurs de Gaz à effet de Serre (GES) … ou les plus chers, pas les plus performants mais ceux qui génèrent le plus de chiffre d’affaire ou de marge ?
Non bien sûr !
Formation réelle et qualitative avec contrôle et suivi du savoir-faire
La formation en France n’est pas à la hauteur de ce qui serait souhaitable.
Les artisans, très souvent, pensent qu’ils savent alors qu’ils ont simplement, au fil des ans, adapté leurs pratiques à l’évolution des matériaux.
On leur impose de se former au RGE (Reconnu Garant Environnement), alors même qu’il ne s’agit en rien d’une formation et qu’ils n’y acquièrent que très peu de connaissances utiles à la réalisation des travaux qui leur seront confiés (déviance que nous avons dénoncée ici et pour laquelle nous avons aussi fait des propositions d’amélioration). On leur impose des suivis administratifs alors que c’est de connaissance théorique et technique dont ils ont besoin.
On essaie d’en faire des généralistes de l’analyse des besoins (RGE encore et toujours) alors qu’ils sont des spécialistes de leur secteur d’activité.
On leur demande d’avoir l’objectivité, si besoin, de prescrire des travaux qu’ils ne connaissent pas ou très mal et ne pas prescrire ceux qui sont le cœur de leur métier…
On attend des architectes qu’ils soient des spécialistes des matériaux alors même que leur formation n’aborde que très peu ce volet du bâtiment.
On attend des Bureaux d’Études (BE) qu’ils prescrivent des produits qui permettront d’atteindre des niveaux déterminés de performance alors que, très souvent, ils ne connaissent que très peu les matériaux et techniques de construction anciens.
En fait chacun y va de sa bonne volonté mais, tel que nous le voyons ici, ils ne sont pas réellement, les uns et/ou les autres, compétents au plan général.
Nous manquent des spécialistes généralistes, pas forcément compétents pour définir ce que devrait être un habitat (c’est le rôle de l’architecte), pas forcément spécialistes du calcul des épaisseurs et/ou spécificités des matériaux (c’est le rôle des BE), pas forcément sachant mettre en œuvre (c’est le rôle des artisans et acteurs du terrain), mais en capacité d’analyser les besoins d’un bâti et de prescrire des solutions. A chacun (l’architecte, le BE et le metteur en œuvre) de mettre ses compétences propres au service de la cause dans son ensemble.
La proposition de Madame la secrétaire d’Etat résout-elle les problèmes, hormis celui des décharges sauvages ?
Non ! Nous l’avons démontré au fil des paragraphes précédents.
Alors pourquoi aller dans ce sens ? Voilà bien une question qui nous taraude !
Rappel et résumé de ce qui est le cœur du problème : les déchets qui devront être recyclés
Tout ce qui a été mis en œuvre ou le sera est appelé, un jour, à être recyclé… à quelques exceptions près (monuments historiques par exemple… et encore !).
Cette réalité devrait inciter à sélectionner avec rigueur ce qui sera choisi pour les travaux.
La moindre des exigences devrait être de choisir des solutions respectueuses de notre environnement personnel, de notre santé ou de celle des autres occupants. Malheureusement force est de constater que ce n’est pas le cas, alors comment espérer que pour le futur, pour l’environnement, il en serait autrement.
Cependant, si individuellement l’ensemble des citoyens n’est pas en capacité de comprendre ce qui serait bien pour la communauté, il devrait en être autrement quant aux dirigeants qui sont aux manettes. Après tout ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir ?
Prévoir c’est, entre autres, anticiper les difficultés éventuelles de demain. Selon nos choix entre des matériaux, facilement recyclables ou non, elles ne seront pas identiques.
Puisque la proposition de Madame Poirson concerne la prise en compte des déchets du bâtiment, principalement autour de deux propositions concernant la collecte soi-disant gratuite de ces déchets et le renforcement du réseau de collecte, nous allons nous pencher principalement sur leurs capacités à être surcyclés, recyclés, valorisés ou réduits au stade de déchet ultime, ceci afin de voir un peu plus loin que la simple collecte.
Matériaux difficilement recyclables
L’immense majorité des matériaux désormais proposés vont de difficilement recyclables à non recyclables.
Se donner les moyens de les collecter afin d’éviter de les retrouver dans des décharges sauvages ou disséminés dans la nature est, en soi, une excellente chose, mais est-ce suffisant ? Certainement pas puisqu’une fois collectés, il faudra en faire quelque chose. Quoi ? C’est là tout le problème !
Matériaux facilement recyclables
Il est quand même surprenant que des matériaux à la fois performants, d’origine renouvelable, durables, souvent peu énergivores, facilement recyclables ou réutilisables en fin d’utilisation soient très peu distribués, rarement choisis, comme si l’humain suffisamment doté de moyens techniques et financiers avait pour obsession de détruire son biotope.
L’argument financier ne tient pas car il est plus coûteux de devoir changer régulièrement des équipements ou devoir les améliorer que de miser, dès le départ, sur le bon choix, en bonne quantité, au bon endroit, et adapté à l’usage.
Nos propositions … que nous pensons plus efficaces sur le fond
Attendu que le déchet le plus facilement recyclable est celui que l’on ne produit pas, nous proposons de prendre toutes dispositions qui permettront de tendre vers la diminution drastique de leur production.
Pour les industriels produisant des matériaux à fort impact négatif
Afin de ne pas nous retrouver dans les situations connues de ne pas pouvoir compter sur les industriels face aux carences de leurs produits, y compris de non-durabilité ou de nécessité de gestion en fin de vie (cf. l’amiante), nous proposons de les mettre face à leurs responsabilités dès l’origine de leurs produits, c’est à dire au moment de leur vente, dès la sortie de l’usine ou de l’unité de production.
Le seul moyen d’anticiper ainsi est de taper d’emblée au porte-monnaie.
Nous proposons donc de taxer ces matériaux afin qu’au moins ils puissent être, à terme, recyclés aux frais de la société… laquelle en aura encaissé le coût par anticipation.
Pour la planète
Attendu que nous ne disposons que d’une planète, que c’est notre biotope et celui de toutes les autres espèces vivantes, attendu que nous avons une réelle responsabilité vis-à-vis d’elle(s) et de nos descendants, nous souhaitons encourager par tous moyens la mise en avant des matériaux peu impactants.
Puisqu’ils couteront très peu à la société et au respect de la vie sur terre au titre de leur gestion en fin de vie, en tout cas moins que les produits ciblés ci-avant et déterminés comme devant être taxés, nous proposons de subventionner tous ces matériaux “vertueux” et/ou “pertinents”, ceci dès le début de leur production, de la recherche à la production ainsi que par des aides à ceux qui choisissent de les privilégier chez eux, pour leur habitat.
Ceci sera difficile …
C’est probablement la 1ère et plus importante critique qui nous sera opposée.
Nous sommes pleinement conscients des difficultés qu’il faudra surmonter.
Des moyens aussi simples que possible de déterminer les niveaux d’impact de sorte à pouvoir, facilement, positionner le curseur d’un côté ou de l’autre de la barrière fatidique devront être imaginés … pas facile !
Cependant Sénèque a exprimé une vérité il y a fort longtemps : “Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles !”
Conclusion
Madame Poirson, vous souhaitez aller dans le sens de la gestion des déchets du bâtiment, ceci en dotant le pays des moyens de réduire les décharges sauvages.
Pour ce faire, vous proposez la gratuité de leur dépôt en déchetterie et de multiplier les points de collecte.
Tel que nous l’avons développé, si ces propositions partent d’un bon sentiment, elles ne résolvent réellement rien, ni leur réelle gratuité, ni la réduction des volumes à traiter et encore moins ce qu’on en fera après les avoir collectés.
Les réactions des représentants des filières concernées sont la preuve, s’il en est besoin, de leur insuffisance. Pour autant, malgré leur périmètre restreint, elles ne vous éviteront pas les difficultés pour les faire accepter.
(extrait d’un article du Moniteur) :
“A l’issue de la réunion, les 14 représentants des filières de la construction, qui présentent un front uni, ont déclaré être prêts à travailler avec la mission de préfiguration mais souligné que la question du financement de la gratuité de la reprise des déchets était loin d’être réglée.”
Dit autrement : “Certaines choses nous intéressent, cependant si vous voulez changer drastiquement les choses ou nous faire mettre la main au portemonnaie, vous nous trouverez sur votre chemin…”
Nous les comprenons très bien d’ailleurs puisque, comme développé ci-avant, ces propositions sont une voie royale pour des changements à la marge et pas sur le fond.
Puisqu’ils se rebifferont, alors tant qu’à faire un bras de fer, ne jouons pas petit bras !
En résumé, ce que nous avons imaginé serait une sorte de bonus/malus.
Ces propositions seraient une véritable rupture par rapport au ronron de la situation actuelle.
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