Question fort dérangeante a priori.
Dérangeante dans le sens où elle est très souvent polémique, les tenants de l’étanchéité la meilleure possible d’un côté et les autres en face.
Ces “Autres” sont multiples et leurs motivations diverses.
Y en aurait-il une qui serait imparable, inattaquable et qui, factuellement, mettrait à bas tous les raisonnements des Autres ?
C’est ce que nous allons analyser dans cet article.
Les résultats seront-ils convenus ? Pourront-ils surprendre ? Seront-ils choquants ? Allons-nous être portés au pinacle ou voués à la vindicte populaire ou technocratique ? Que signifie vraiment « être étanche au vent » ? Est-ce pertinent ?
Parallèle pare-vapeur / film de confinement
Il est important de bien différencier les 2 fonctions, même si elles peuvent être assurées par un même et unique matériau.
Fonction pare-vapeur
Nous avons déjà largement abordé ce sujet ici et ne redévelopperons pas dans le détail mais juste faire un rappel sommaire
Lors de l’occupation des locaux, nous les chauffons et, particulièrement l’hiver, cet air chaud est légèrement comprimé à l’intérieur du bâti. Il cherche donc à migrer vers l’extérieur. Du fait qu’il est chaud, il peut contenir plus de vapeur d’eau, vapeur qui va le suivre lors de sa migration vers l’extérieur.
Attendu que l’hiver il y fait plus froid qu’à l’intérieur, cet air, lors de sa migration, va se refroidir et alors il ne pourra plus contenir autant de vapeur d’eau. Celle-ci va se condenser, c’est ce qu’on appelle un point de rosée. Celui-ci est dommageable à plusieurs titres : si de l’eau remplace de l’air dans un isolant, celui-ci n’isole plus, les parements peuvent se dégrader, le gros œuvre aussi, particulièrement si les ferraillages ainsi humidifiés rouillent (vidéo) ou si les bois, eux- aussi humidifiés, pourrissent. En cas de stagnation en surface, des moisissures peuvent se développer et générer des pathologies aux occupants.
Il est donc nécessaire de réguler le transit de la vapeur d’eau, c’est le rôle du pare-vapeur, le plus souvent sous la forme d’une membrane.
Fonction du film de confinement
Afin de chauffer correctement et à moindre coût, ceci en vue d’accéder à un niveau de confort le meilleur possible, il est nécessaire d’éviter les courants d’air.
Ceci s’impose à plusieurs titres.
La 1ère raison est que toute source de fuite d’air chaud représente une fuite de calories. Nous verrons plus loin que c’est parfois peu, mais une somme de “peu” arrive à constituer un “beaucoup”; comme le dit l’adage populaire : “les petits ruisseaux font les grandes rivières”.
Une autre raison relève des ressentis de courant d’air : nous en sommes avertis, entre autres, par nos poils qui se mettent à vibrer. Les femmes ayant des poils beaucoup plus fins que ceux des messieurs, ceux-ci vibrent plus facilement au moindre souffle d’air et elles sont donc beaucoup plus sensibles que les hommes à ces micros courants d’air.
Toutes ces petites fuites sont autant de sorties ponctuelles qui représentent des points de possible condensation.
En cas d’installation d’une VMC Double Flux (VMC DF), il est nécessaire d’équilibrer parfaitement les volumes extraits et les volumes insufflés, faute de quoi elle n’aura pas un bon rendement.
Afin de lutter contre ces effets néfastes, il est nécessaire d’assurer une étanchéité au vent la plus continue possible.
Combinaison des 2 fonctions
Les 2 fonctions étant très couramment assurées par une membrane, la tentation était grande de les confier à une seule et même membrane.
Le pare-vapeur ayant une fonction reconnue nécessaire depuis plus longtemps, il est, dans l’esprit de beaucoup, devenu naturel de lui confier aussi le rôle d’étanchéité au vent.
Influence de la VMC
Nous espérons qu’il est évident pour tous qu’il faut assurer un renouvellement d’air dans un habitat. Au cas où ça ne serait pas évident, c’est de toute façon obligatoire depuis 1969 et la chose est réglementée par l’arrêté du 24 Mars 1982, modifié en 1983 qui en régit, entre autres, les volumes de renouvellement par type de pièce.
Ce renouvellement d’air peut être assuré de plusieurs façons, nous avons déjà développé ce sujet et nous n’allons que rappeler les points clés.
La méthode la plus ancienne consiste en une ventilation naturelle organisée par l’entrée d’air froid extérieur via une(des) prise(s) basse(s) et l’évacuation de l’air chaud via une(des) prise(s) haute(s).
Ses limites sont assez vite atteintes et il s’est malheureusement souvent avéré qu’il fallait l’aider en ouvrant les menuiseries.
C’est ce qui constitue la 2ème méthode : l’ouverture momentanée des menuiseries. Cette méthode, elle aussi, n’est pas suffisamment efficace et, de plus, elle nécessite d’être présent.
Il s’est vite avéré que le plus pertinent est de renouveler l’air mécaniquement. Ce qui a amené, dans un 1er temps, l’installation de VMC simple flux, ensuite, les VMC Double Flux (DF) ont été développées, avec pour objectif de récupérer les calories de l’air extrait afin de préchauffer l’air insufflé. Puis sont apparues les VMC SF hygro A, les VMC SF hygro B, les VMC DF décentralisées, les ventilations à insufflation …
Pour diverses raisons, les VMC DF sont devenues une sorte de religion, ce qui a entraîné la nécessité d’une étanchéité maximale de l’enveloppe et nous sommes passés d’une étanchéité au vent que nous qualifierons de performance correcte à une étanchéité au vent que nous qualifierons de haute performance.
Alors, étanche au vent ? Quel niveau d’étanchéité ?
A ce stade expliquons pourquoi nous parlons d’étanchéité au vent et non à l’air.
Nous avons à de nombreuses reprises abordé l’intérêt à permettre la migration de l’eau au travers des parois extérieures, ce qu’on appelle la perspirance.
Cette perspirance est possible car les molécules qui constituent l’air, dont la vapeur d’eau, migrent au travers des murs.
On entend et on lit souvent que les parois sont étanches à l’air, c’est faux. Nous avons même lu, dans des publications très sérieuses, qu’un pare-vapeur doté d’un Sd suffisamment faible (prenons une valeur moyenne : entre 5 et 25) régulerait le transit de la vapeur d’eau mais ne laisserait pas passer l’air.
Alors, poussons un peu plus loin les investigations : l’air, c’est quoi ?
Extrait d’une de nos précédentes publications :
“L’air est un gaz constitué de multiples composants dont, dans l’ordre de teneur en % : le diazote N2, 78%; le dioxygène (02) 21%; autres gaz : 1% dont du dioxyde de carbone (CO2), 0,01%, du méthane, divers Composés Organiques Volatiles (COV), Composés Inorganiques Volatiles (CIOV) et aussi, un composant qui nous est bien connu : de l’eau.”
Les matériaux, en fonction de leur organisation moléculaire, laissent transiter des molécules entre les leurs propres.
Pour ce faire, tel du sable à travers un tamis, il faut que leur dimension leur permette de passer par les espaces libres. Voyons donc le diamètre des molécules des divers composants, particulièrement les plus importantes en % :
- le diazote a un ø de 0,315 nm (nanomètres)
- le dioxygène a un ø de 0,292 nm
- la molécule d’eau a un ø de 0,343 nm.
Selon les dires des tenants de l’étanchéité à l’air, un matériau étanche à l’air mais ouvert au transit de la vapeur d’eau arrêterait, entre autres, des molécules de 0,292 et 0,315 nm mais laisserait passer des molécules de 0,343 nm. Il arrêterait les plus petites molécules et laisserait passer les plus grosses … à l’opposé de toute logique de la physique … Voilà pourquoi nous soutenons qu’il est possible de rendre un bâti étanche au vent (écoulement rapide de molécules) et ouvert au transit de l’air (écoulement lent de molécules).
Points de détail diront certains, d’autres, dont nous, diront : “le diable se cache dans les détails”. Un peu de précision ne nuit jamais.
Pertinence dites-vous ?
Nous vous proposons un extrait du livre « Bioclimatisme et performances énergétiques des bâtiments (pdf) » par Armand Dutreix, aux Editions Eyrolles :
“… On entend de plus en plus parler de l’étanchéité à l’air, comme étant l’incontournable solution à l’amélioration de la situation énergétique des bâtiments. Incontournable, au point que la plupart des labels de bâtiments BBC (bâtiments à basse consommation), de maisons passives et autres BEPOS (bâtiments à énergie positive) se font actuellement un point d’honneur à être intransigeants sur ce point. Cette étanchéité totale se justifie-t-elle systématiquement pour des bâtiments BBC ou passifs et, a fortiori, pour des constructions plus classiques lorsqu’on souhaite les rénover ? Ne serions-nous pas en train de nous convertir à une nouvelle religion de l’étanchéité à l’air, aveuglés par UNE solution qui serait soudainement devenue LA solution, nous faisant oublier quelques évidences bien plus importantes ? …”
“… la surconsommation d’une étanchéité simplement conforme à la RT 2005 était de l’ordre de 50 % par rapport à la consommation d’une construction présentant une étanchéité totale. Eh oui ! 50 % d’augmentation de la consommation, cela fait réfléchir… Mais au fait, on parle bien de 5 kWh/m2.an ? Pour un logement de 100 m2, cela nous donne donc une consommation annuelle de 500 kWh supplémentaires ? C’est toujours bon à prendre, rétorqueront certains. Pas si sûr, si on ramène cela aux efforts nécessaires pour y arriver, et au coût en travail et en énergie grise, au détriment d’autres efforts non pris en compte par ces mêmes labels. Et il peut parfois y avoir mieux à faire pour le même prix que d’essayer de grappiller ces quelques kilowattheures à grands coups d’adhésifs tous azimuts et d’euros dépensés, kilowattheures qui seront perdus à la première ouverture de porte et adhésifs dont la durée de vie est incertaine.…”
Si nous admettons les calculs de cet auteur, ce que nous faisons d’emblée vu son parcours et ses travaux en relation avec des instances officielles telles que “l’ADEME PACA”, des “DRAC”, des conseils généraux, sa participation à Observ’er, il apparaît que les kWh économisés sont peu importants.
Durée raisonnable de performance garantissable
Les fabricants des bandes adhésives nous annoncent des tenues longues, mais ça veut dire quoi “tenue longue” ? (extrait d’une publication d’un fabricant (pdf) : “… fort pouvoir adhésif de longue durée, ne peut ni déssécher ni durcir en raison de l’absence de caoutchouc, résine et solvants, suit de manière fiable et durable les mouvements de la construction …“)
Les autres fabricants de ces bandes collantes nous en disent encore moins : rien !
Faute de mieux, nous nous appuierons sur ce que nous avons pu avoir en terme de retour suite à des échanges avec l’un des leaders européens dans le cadre d’un salon : “ … raisonnablement, nous pouvons affirmer une certitude à 25 ans”.
Au-delà des bandes collantes elles-mêmes, les bois qui traversent les parois travaillent, vrillent, se fendent; les bétons et autres matériaux inertes sont soumis à des déformations et peuvent se “micro-fissurer”; les joints des menuiseries sèchent; de manœuvre en manœuvre, les assemblages des châssis des menuiseries souffrent …
Nous retiendrons donc une durée arbitraire de 25 ans.
Économie financière
500 kWh par année ne sont pas rien, en effet. Que représentent-ils ?
Nous prendrons pour base moyenne du prix du kWh 0,11€ (valeur 2018).
La multiplication est simple : 500 x 0,11 = 55 € !
Le surcoût généré rien que du fait des bandes collantes et du temps pour les poser, pour une maison de 100 m2 est d’environ 1 200€ (base 2018, estimation suite à la consultation d’artisans qui pratiquent cette activité, lesquels nous ont dit intervenir à quelques 6 à 10 € de plus au m2), nous arrivons à une durée d’amortissement de 1200 / 55 = 21,81 années.
Si nous y ajoutons le surcoût lié aux menuiseries plus performantes, nous dépassons allègrement les 25 ans de temps de retour financier. Est-ce bien sage ? Est-ce pertinent ? Force est d’admettre ça n’est pas évident du tout !
Economie en énergie grise
Ces matériaux sont fabriqués avec des matières premières.
Leur collecte nécessite de l’énergie, leur production, leur transport et leur mise en œuvre également … Permettent-ils d’en économiser autant qu’ils en auront nécessité .
Nous n’avons pas fait les calculs, forts complexes au demeurant, de nature optimiste, nous espérons que oui …
Economie environnementale
Des ressources fossiles auront été consommées pour la réalisation de cette étanchéité hyper pointue. On les sait non renouvelables pour leur grande majorité et on sait tout autant qu’à l’avenir, les ressources se trouveront principalement dans le recyclage.
Ces produits, bandes collantes, cordons de joints, joints solides, sont-ils recyclables ?
Dans l’absolu, les bandes collantes, non, car les produits utilisés y seront, par nature, non dissociables les uns des autres. Les cordons de joint qui auront assuré le collage sur les supports poreux et autres ne le seront pas non plus, pour les mêmes raisons. Les joints des menuiseries le seront.
Nos enfants ne risquent-ils pas de nous en vouloir d’avoir ainsi consommé ces matières premières pour des résultats aussi peu probants ? Rien n’est moins sûr !
Pourquoi agit-on ainsi ?
Voilà bien une question qui nous taraude de plus en plus !
Parce que, techniquement, c’est possible ?
Un chercheur, un ingénieur n’ont de cesse de pousser les raisonnements au bout du bout, de vouloir mettre en œuvre le plus pointu de ce qu’ils ont pu développer, alors ils cherchent, ils trouvent, ils développent et mettent au point des produits, ils cherchent des techniques qui permettent d’aller à ce bout du bout …
Tout ça est validé en laboratoire, ce qui malheureusement n’est pas toujours conforme aux réalités tant du chantier que de l’exploitation. Qu’à celà ne tienne, c’est certifié !
Parce que, financièrement, ça rapporte ?
L’industriel qui a investi dans toutes ces recherches, développements et certifications veut un retour sur investissement, alors il fait ce qu’il faut en terme de communication pour convaincre les acheteurs éventuels de la pertinence de ce qu’il propose.
Pour asseoir encore plus son marché, il peut même faire appel à des lobbyistes, lesquels font leur travail de lobbyistes … Les normes évoluent, encore et encore … jusqu’où ?
Parce que, administrativement, c’est facile à contrôler ?
Il est plus simple de sanctionner d’un “c’est bon !” ou d‘un “c’est pas bon !” que de former, déléguer et faire confiance.
Parce que c’est rassurant
C’est aussi une aspiration des consommateurs que nous sommes. Un peu tous devenus : “j’en veux pour mon argent et, pour être certain de n’avoir pas été volé, je veux que ce soit normé et contrôlable !”.
Conclusion
Nous y voilà !
C’est normé, c’est certifié, c’est contrôlable, donc c’est assurable alors si ça lâche, si c’est défaillant, c’est pas grave, ça sera refait ou corrigé !
Non pas que nous soyons adeptes aveugles de ce concept mais nous aimons assez en rappeler la définition :
“Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.”.
Alors, que fait-on ?
Nous ne sommes pas en mesure d’apporter des réponses, nous avons essayé, tout au plus, de mettre en évidence des incohérences et rappeler qu’il ne faudrait pas forcément :
- imposer sous prétexte que ça arrange certains (législateur, décideurs des normes),
- développer jusqu’à l’extrême sous prétexte que c’est faisable (pour les chercheurs),
- adopter et conseiller sous prétexte que c’est proposé (bureaux d’étude et autres),
- acheter sous prétexte que c’est vendu (consommateurs),
Au final, et au-delà du développement durable, n’aurions-nous pas un peu oublié 2 grands préceptes : le bon sens et la pertinence !
Notre espoir est que que nous nous rappelions les paroles de Rabelais :
“Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”.
Ne perdons pas notre âme !
Comme le demandent de plus en plus de chercheurs, penseurs et personnes de la société civile : “Arrêtons la fuite en avant !”
Alors oui, étanchéifions raisonnablement au vent, mais pas dogmatiquement, en tout cas pas partout. Par exemple : en rénovation, il faut savoir raison garder.
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