La France compte un peu plus de 29 millions de résidences principales, une partie sous forme de maisons individuelles, une partie en habitat collectif, une partie en zone urbaine, une partie en zone campagne. Environ 30 % sont qualifiées de passoire énergétique.
Nous sommes inondés, submergés, alléchés par des propositions diverses de travaux de la part d’entreprises qui attirent notre attention en nous signalant, en nous rappelant sans cesse que nous avons droit à des aides, des subventions pour ce faire. Bien sûr ces travaux, nous disent-ils, vont nous faire réaliser des économies lors de l’exploitation de notre habitat.
Des responsables politiques nous disent qu’il y a là des possibilités extraordinaires d’évolution de notre société vers plus d’égalité au moins au plan économique pour les plus défavorisés qui, il faut le reconnaître, sont ceux qui, le plus souvent, occupent les habitats les plus énergivores, qualifiés de “passoires énergétiques”.
Ces politiciens de tous poils, en charge ou non de responsabilité, nous claironnent qu’il s’agit là d’opportunités extraordinaires, historiques, de progresser vers moins de consommation énergétique (donc amélioration de notre balance commerciale, attendu que l’énergie, chez nous, est très majoritairement importée).
Depuis la prise de conscience des électeurs qui, voyant le climat se dégrader, souffrant des canicules l’été, constatant la baisse de la biodiversité, la raréfaction des oiseaux… ont permis aux “verts”, grâce à leurs votes, une progression spectaculaire aux dernières élections, tous les politiciens nous assurent que l’amélioration de nos habitats pourrait limiter les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère et nous permettre de tendre vers la neutralité carbone en 2050, qu’il s’agit d’une opportunité de créer des emplois… (comme si cela suffisait à ralentir notre marche rapide vers un désastre environnemental généralisé).
Bref, nos maisons intéressent beaucoup de gens !
Je vais, au fil de cet article, faire le point de ce qui a été réalisé au cours des décennies précédentes, ce qui nous est proposé, et analyser si ces offres, ces opportunités sont pertinentes. Dans un autre article je développerai ce que nous devrions mettre en place pour, suite aux constats ci-après, améliorer la démarche.
Etat des lieux
Très souvent divers travaux ont été réalisés dans les habitats au fil des années, travaux de divers types et dans divers secteurs.
Apports positifs
Les gains les plus importants à mes yeux ont été l’installation de l’eau courante, qui évite de facto l’obligation d’en puiser à l’extérieur ; l’installation de toilettes à l’intérieur, qui nous évite de sacrifier aux escapades dans la “cabane au fond du jardin” ou aux toilettes communes sur le palier, ou dans la cour de l’immeuble ; le développement des installations électriques qui a permis de passer de quelques points lumineux et quelques prises à pléthore d’équipements.
Les intérieurs ont évolué, avec un passage du chauffage au bois bûche ou au charbon à des chaudières ou poêles à énergie plus facile à utiliser (fuel, gaz, bois en granulés, électricité…). Ces équipements ont progressé, on a découvert les chaudières à condensation, redécouvert et amélioré les poêles de masse, les pompes à chaleur ont connu des avancées…
Les aspects physiques de nos maisons, de nos immeubles, de nos intérieurs, ont connu d’énormes évolutions.
Les salles de bains sont désormais carrelées du sol au plafond, ce qui en facilite le nettoyage.
Les cuisines ont été aménagées avec des meubles hyper pratiques, les équipements électriques sont foison, quasiment un appareil par besoin ou fonction, ce qui fait que les meubles, bien que de plus en plus grands sont rapidement insuffisants…
Le choix de parements, tant intérieurs qu’extérieurs, est de plus en plus vaste, ils sont devenus de plus en plus faciles à mettre en œuvre, on a même vu apparaître des faux tadelakts, des faux marmarinos, des moulures en polystyrène, permettant ainsi aux béotiens de faire “comme si…”
Des crépis peuvent être réalisés sans maîtriser le moins du monde les gestes de base des maçons d’antan, pour qui veut un aspect parquet mais pas “l’inconvénient” de son entretien, il est possible d’opter pour du carrelage… d’aspect parquet.
En ce qui concerne les améliorations énergétiques, les industriels redoublent de propositions toutes plus efficaces les unes que les autres… en tout cas c’est ce qu’ils nous disent.
On a ainsi vu de plus en plus de combles isolés ou dont l’isolation a été améliorée, des menuiseries remplacées, des systèmes de chauffage changés, des régulateurs thermiques installés, des ampoules d’éclairage nouvelle génération…
Il y a donc bien eu progrès dans nos habitats, au sens de l’accès à des équipements ou installations qui nous ont facilité l’existence.
Aspects négatifs
Hélas, si les travaux et autres innovations nous ont facilité l’existence, ont-ils réellement amélioré nos vies ?
Car si avoir une vie plus facile se fait au détriment d’aspects non pris en compte tels que la santé des occupants, la pérennité des ouvrages, le respect de l’environnement, l’avenir de nos descendants, faut-il continuer ainsi ?
Je vous propose d’observer chacun de ces aspects de façon particulière.
Je les ai déjà abordés, globalement et plus longuement dans un autre article et chacun encore plus en détail dans un article dédié par approche, selon les liens ci-après.
- Pour ses occupants, une maison doit être salubre, sûre et pratique
- Pour ses occupants une maison doit être confortable
- Un habitat doit être respecté afin d’être pérenne
- Construire ou Rénover en respectant l’environnement
- Construire ou Rénover, impacts sur le devenir de l’humanité
En effet des sommes considérables sont consacrées chaque année à l’amélioration des habitats cependant, sous tous les aspects développés ci-avant, comment les choix de leur réalisation, de leur priorité, de leur pertinence sont-ils faits ?
Je ne vais pas développer ici ce qui préside aux décisions mais simplement rappeler une vérité : en 2014, 2015 et 2016, tous financements compris, presque 20 milliards ont été dépensés annuellement et seulement 25 % des biens ayant bénéficié de cette manne ont pu gagner au moins une place dans le cadre d’un DPE (Diagnostic de Performance Energétique)… Tout ça pour ça ! … Ça ne peut pas durer ainsi !
Je vous propose 2 documents de ma production, j’y dénonce les dérives de cette gabegie : une vidéo, un article.
Les particuliers, voire les professionnels eux-mêmes, ne disposent que de très peu d’éléments pour juger de l’impact des matériaux et/ou équipements choisis sur la santé, des occupants tant directement qu’indirectement.
Sur le plan des impacts directs, par exemple seulement une partie des Composés Organiques Volatiles sont recherchés, les plus dangereux heureusement. Mais l’analyse qui permet de les classer se fait à 23° ± 2° et à une humidité relative stabilisée à 50 %. Qu’en est-il si les conditions réelles d’exploitation ne correspondent pas à ces valeurs ? (un spécialiste me disait un jour “… pour ne pas obtenir un classement A+, il faut être particulièrement mauvais et peu ingénieux …”).
Peu de travaux sont réalisés en prenant en compte la teneur en eau de l’air, exposant ses occupants à de l’inconfort et à de possibles pathologies.
Une certification du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) ou l’appartenance à un DTU (Document Technique Unifié) n’apportent aucune certitude de salubrité. N’oublions jamais que l’amiante a été autorisé pendant des lustres, avec des agréments et certifications pour de très nombreux produits !
Chacun sait que l’eau est une des causes principales des désordres et des pathologies dans le bâtiment et pourtant les bâtis et leurs occupants en ont besoin… mais en quantité maîtrisée ! Qui s’en soucie lors des travaux ?
Combien de maisons anciennes, en pierre, en pisé ou en bauge sont crépies avec des mortiers à base de ciment alors qu’on sait de plus en plus à quel point ils sont non compatibles avec ces types de murs ?
Combien de ces mêmes maisons se voient, encore et toujours, affublées de dalles et dallages béton, eux aussi très fortement déconseillés ici car ils impactent gravement les migrations d’eau dans les murs, qu’ils les chargent de façon inconsidérée et qu’ils génèrent des ponts thermiques ?
Nous disposons, avec la terre, du biotope parfait pour nous !
Normal, c’est parce qu’elle est ce qu’elle est que nous nous sommes développés tel que nous sommes actuellement.
Il faudrait, pour que nous continuions à y vivre heureux, que les conditions de vie qui ont prévalu à notre développement perdurent…
Or que constate-t-on ?
- Nous émettons de plus en plus de GES,
- Le climat se dégrade,
- Le niveau des mers monte et va monter inexorablement,
- De plus en plus de migration pour des raisons climatiques,
- …
Qui prend en compte ces aspects lorsqu’il envisage des travaux ?
Qui se pose la question des impacts de ses choix ? … Trop peu, beaucoup trop peu !
- L’avenir de nos descendants
Pour notre bon plaisir, nos aspirations actuelles, légitimes ou non, nous consommons des quantités considérables de ressources.
Chaque ressource consommée doit être extraite, transformée, transportée, mise en œuvre, elle devra un jour être recyclée (… pour autant que ce soit possible !), ce qui représente une consommation d’énergie, donc d’émission de GES…
Ces ressources, renouvelables ou non, ne sont jamais disponibles de façon illimitée, ce n’est pas pour autant que nous nous limitons volontairement dans leur consommation.
Notre comportement, très souvent déraisonnable, risque bien d’avoir engendré de telles consommations que nos descendants ne disposeront plus d’un résiduel en ressources propre à leur permettre de faire face à leurs besoins…
- Qui préside à ces faits, pourquoi, comment, avec quoi… ?
Soucieux d’aller au bout de leurs discours, les responsables politiques ont mis en place des aides accessibles à quasiment tout le monde, ils ont inventé les Certificats d’Economie d’Energie (les CEE) et bien d’autres incitations financières.
Ils ont demandé à des “têtes bien faites” de mettre au point des normes minimales de performance à atteindre, des moyens de “certifier” que les metteurs en œuvre sont compétents, et d’autres encadrements administratifs, législatifs ou normatifs.
En agissant ainsi ils se mettent en situation de dire “On a fait tout ce qui est possible” et ainsi de se dédouaner de tout ce qui ne fonctionne pas. Je vous conseille, sur cette façon de se comporter, mon article intitulé “Thinking out of the box”.
Je crois que le summum a été atteint avec le RGE !
Il faut, pour toute personne qui veut accéder aux aides évoquées ci-avant, faire appel à des acteurs titulaires du signe de reconnaissance RGE (Reconnu Garant Environnement).
Que penser de ces soi-disant “reconnus” RGE ? Pas grand chose en fait car ce n’est aucunement une preuve de qualification.
En effet, une telle qualification signifierait que l’organisme certificateur serait en capacité de juger de la qualité technique de la réalisation et de son efficacité… Or Qualibat, car c’est cet organisme qui est en charge des distributions du fameux signe de reconnaissance, n’a de capacité réelle de contrôle que pour ce qui relève de l’approche commerciale, et encore, depuis très peu, et de l’approche administrative des dossiers !
Il en résulte ce qu’on sait : UNE GABEGIE monstrueuse, un véritable tonneau des Danaïdes, sans réelle efficacité, (scandale que j’ai déjà dénoncé ici et au sujet duquel je vous ai fourni deux liens ci-avant).
Chacun se cache derrière les règlements et le fait d’avoir tenté quelque chose !
Conclusion
Tel que je viens de le développer, force est de constater que l’approche de travaux à réaliser ne prend pas en compte tous les aspects, oubliant souvent ce qui n’est pas directement lié à l’objectif de chacun d’eux (isolation, chauffage, étanchéité…).
Pourquoi ces oublis, ces dérives ?
Parce qu’un fabricant préconise ce qui lui permet de vider ses étagères, idem pour un négoce.
Parce qu’un artisan est d’abord un spécialiste de… sa spécialité. Ce qui, par ailleurs, est déjà une excellente chose, alors escompter que son savoir s’étende au-delà semble un pari pour le moins hasardeux… même si des exceptions prouvent toujours qu’une règle n’est pas immuable mais, comme le fait dire Audiard à Gabin dans le film “Le Président” : “… il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre !”
Comment y remédier ?
Il faudrait que, préalablement à leur programmation, les travaux d’amélioration ou d’aménagement dans les bâtis anciens soient prescrits après une analyse préalable d’un sachant généraliste, une fonction que je dénomme l’habitologie et dont je nomme les acteurs “des habitologues”.
Je suis convaincu qu’en l’absence d’une une analyse d’un habitat déterminé et en tenant compte des aspirations des occupants, il ne sera pas possible d’espérer une progression de sorte à passer de la gabegie passée à une vertu minimale pour le futur.
Je suis aussi convaincu que seuls ces habitologues, formés et sensibilisés aux notions de pertinence entre prescription, consommation de ressources et/ou d’énergie, émissions de GES liées aux travaux, et économies réelles constatées lors de l’exploitation, sauront positionner le curseur au mieux pour les habitats, les occupants, l’environnement et le bien des générations futures.
Crédit photo : pixabay geralt, aamiraimer, pasja1000, suju, GoranH
Bonjour,
C'est un plaisir et en même temps une angoisse de lire vos analyses, vos synthèses et vos constats.
Où et comment trouver ces professionnels …
J'ai fait appel à un architecte qui m'oriente vers des bureaux d'études pour que chacun soit certain de ne pas avoir à supporter un dommage.
Mais QUI peut me conseiller sur la pertinence de mon projet et les meilleures options pour y parvenir… Où sont ces habitologues?
Merci pour vos articles
Merci Geneviève d’apprécier mes productions.
Je pense que les 1ers habitologues seront opérationnels dans quelques mois.
En attendant, je vous propose un coaching à distance (ou en visite in situ selon votre implantation géographique) : https://www.papyclaude.fr/particulier/accompagnement-avant-travaux/analyse-avant-travaux-1/
Bonjour,
Comme d'hab, de l'excellent travail, du bon sens mais attention comme dit la chanson " le premier qui dit la vérité, il sera exécuté" . Chaque fois je me régale à lire Papy Claude.
Je partage aussi pleinement son avis sur la foutaise du "label" RGE pour lequel il faut payer pour l'obtenir et repayer pour le conserver, c'est une rente pour l'organisme…
Bien cordialement
MP
Bonjour Michel,
Exécuté, je ne le crois pas, par contre si je gêne et ennuie alors je suis heureux, c’est que nous sommes dans la bonne direction.
Merci de partager nos idées.
Merci pour la qualité et la précision des informations que vous transmettez ici et là. Ces informations font germer de nouvelles questions et de nouveaux centres d'intérêt, ce qui est déjà en soi un peu magique quand on y pense mais je m'égare, je continuerai de vous écouter et de vous lire et vous remercie.
Merci Myriam, j’espère aider encore longtemps.