Serait-il cohérent de s’inscrire dans un schéma de maison éco-construite sans, préalablement, réfléchir à tout ce qui précède les actes de bâtir, réaménager, réhabiliter ou améliorer ?
Ancien agent commercial en immobilier, ancien constructeur de maison individuelle, ancien artisan spécialisé dans l’isolation bio-sourcée, sensibilisé depuis longtemps à l’écologie, souvent engagé près d’associations actives sur le terrain, je milite de longue date pour que tous, chacun selon ses aspirations, moyens ou contraintes puisse habiter là où il se trouvera le mieux, mais sans pour autant que son impact ne soit trop important sur l’environnement.
C’est au nom de ces acquis et convictions que j’ouvre ce débat immense et important sur le questionnement nécessaire avant d’acheter un bien immobilier ou d’en édifier un neuf.
L’habitat s’inscrit dans un tout. Il participe d’une globalité de pensée et de façon de mener sa vie. Oh, bien sûr, chacun a ses limites. Ce n’est pas tant d’avoir des limites qui est important ou grave, c’est d’en avoir conscience et bien les connaître qui compte.
C’est la base minimale pour, peut-être dans un 1er temps, les compenser et, pourquoi pas, dans un second temps, améliorer la situation par une évolution nécessaire. Évolution qu’il faudra accepter pour qu’elle soit ressentie, non pas comme une contrainte, mais comme un pas vers un réel progrès.
Je vais vous présenter, ce que sont, pour moi , les secteurs concernés et les pistes possibles. Ce passage en revue n’est en rien une base absolue, je ne prétends pas non plus à une quelconque exhaustivité.
Il faut voir là un début de réflexion que nous devrions tous avoir et qui, j’espère, s’étoffera d’autres vues ou propositions …. Je vous propose d’aborder l’ensemble sous forme de thèmes.
En préalable aux actions ou décisions, que je qualifie d’actives, et qui tendront à diminuer notre impact environnemental (liés principalement à l’exploitation), il me semble important de veiller aux effets passifs, tous choix ou décisions qui limiteront nos besoins.
L’implantation
Choisir son lieu de vie est très important car ses implications seront nombreuses et, pour leur grande majorité, irréversibles.
Il ne faut pas se tromper car, s’il est toujours possible d’améliorer une maison, il est impossible de changer la plupart des contraintes liées au lieu de vie choisi.
Localement
Le choix est parfois dicté par des raisons économiques. Bien que les activités, tant professionnelles que culturelles, sportives, associative ou autres soient dans une ville, les prix peuvent y empêcher l’implantation, en tout cas dans le type d’habitat souhaité.
La tentation peut être grande de s’orienter vers des zones, certes plus éloignées, mais moins chères. Parfois elles impliquent :
- un habitat non conforme à nos aspirations :
– moins bien conçu,
– avec des matériaux moins performants,
– avec des travaux d’aménagement ou de réhabilitation plus importants.
– plus de déplacements divers,
Géographiquement
S’implanter dans les Hauts de France ou en Corse n’a pas grand chose de commun. L’un n’est pas mieux ou moins bien que l’autre, simplement les modes de vie vont forcément être impactés par,
- Hauts de France :
– région au cœur de l’Europe, carrefour d’échange et de communication entre divers pays, terre de brassage des peuples,
– climat assez rigoureux, notamment l’hiver,
– topographie plutôt “plat pays”,
– culture forte liée à un passé riche et des apports divers,
- Corse :
– insularité,
– climat tempéré, chaud, voir très chaud, l’été,
– topographie montagneuse,
– culture forte liée à son insularité,
Il apparaît d’emblée évident que s’implanter dans l’une ou l’autre des régions aura une influence importante sur la vie et, par voie de conséquence, sur l’habitat et sur la consommation au sens large.
La topographie
Exemples :
- s’implanter en zone de montagne implique :
– un équipement automobile différent. Si le 4×4 n’est absolument pas une nécessité, il peut représenter une forme de confort d’utilisation,
– une quasi nécessité de pneus spéciaux l’hiver,
– des routes escarpées et à forts dénivelés impliquent des consommations de carburant supérieures,
– une montagne a un adret (exposition Sud) et un ubac (exposition Nord),
– le choix d’implantation sur l’un ou sur l’autre aura une incidence très importante sur la consommation de chauffage,
– des écrans solaires plus nombreux et importants qu’ailleurs : attention à l’ombre de la montagne voisine l’hiver, elle aura une influence importante sur le chauffage et la production d’énergie d’origine solaire,
– le bon choix de l’implantation et de l’altitude peut permettre de bénéficier d’un ensoleillement fort et régulier l’hiver,
- s’implanter en zone de plaine et proche d’une rivière ou d’un fleuve implique :
– l’hiver, parfois, de longues périodes de brouillard:
– manque de rayonnement lumineux favorable au bien-être,
– inconfort lié à une forte hygrométrie de l’air ambiant,
– forte baisse de production d’énergie solaire,
– l’été, un apport de fraîcheur inhérent à la proximité de l’eau,
– parfois risques d’inondation,
– exposition possible à des vents importants,
Le terrain d’assiette :
Acheter un grand terrain peut être tentant, que ce soit pour y construire ou en choisissant une maison sur une grande surface déjà construite. Il permettra certes :
- d’avoir quelques animaux : poules, chèvres, moutons, chien, pourquoi pas, cheval,
- jouir d’une piscine, si possible naturelle,
- une pièce d’eau avec poisson,
- un assainissement phytoplanctaire,
- faire un jardin potager,
- disposer d’arbres fruitiers,
…
Mais un grand terrain, c’est aussi :
- beaucoup d’entretien :
– taille de haies,
– entretien d’arbres,
– entretien de pelouse,
– nettoyage de piscine,
…
- des impôts fonciers,
Adapté aux choix techniques
Serait-il cohérent d’acheter un terrain avec un sous-sol en roche dur alors que, dans le projet initial, le maître d’ouvrage souhaite un sous-sol enterré ?
De même, serait-il cohérent de choisir un terrain inondable avec pour projet de construire un plain-pied véritable ?
En reprenant l’exemple d’implantation en montagne, un maître d’ouvrage qui souhaite tendre vers l’autonomie énergétique devra porter une attention toute particulière à l’exposition solaire de son futur terrain, notamment l’hiver.
Le lieu a été choisi. Que puis-je vous conseiller ?
Avant-Conclusion
Comme vous avez pu le constater et comme je l’avais écrit en début de cet article, j’ai opéré par thèmes.
Ceux qui vont suivre peuvent ne pas paraître légitimes dans un article qui se veut aborder les grandes questions des choix préalables à l’achat. … Et pourtant …
Si vous aspirez à vivre avec beaucoup de lumière naturelle, vivre confortablement sans chauffer beaucoup, … au-delà du lieu, si l’achat est dans l’ancien, il faudra penser aux capacités de cette maison.
Si le projet est de construire, les choix sont généralement plus faciles mais doivent être anticipés pour, entre autres, s’adapter les uns aux autres.
La Bâtisse
Lors de l’investissement, des choix doivent être opérés pour l’architecture, les matériaux et les techniques.
L’architecture
Dans le cadre de l’achat d’une bâtisse ancienne, et s’il n’est pas envisagé d’agrandissement ou de ré-agencement important, le plus souvent il va s’agir de s’adapter aux contraintes d’origine.
Le percement d’ouvertures nouvelles va parfois permettre de tirer un meilleur parti du soleil, tant pour l’éclairage que pour le chauffage.
Dans le cadre d’une construction neuve ou d’un agrandissement de bâti ancien, intégrer dès le début les principes de la construction bioclimatique peut permettre, sans surcoût particulier, d’avoir, ensuite, des coûts de gestion réduits et, surtout, de bénéficier d’un meilleur confort.
Les matériaux
Que ce soit pour le gros œuvre ou le second œuvre, le panel des matériaux disponibles est maintenant vaste. Il n’est pas possible d’établir des listes exhaustives, qu’elles préconisent l’emploi de certains ou qu’elles en préconisent l’exclusion.
Je pense, par contre, très important de réfléchir à divers points, au-delà des traditionnelles réflexions de coût ou disponibilité.
Les pistes de réflexion que, du fait de mon expérience et mes connaissances, je vous préconise :
- performance réelle du matériau dans sa fonction (exemple : cet isolant est biosourcé, cependant a-t-il de bonnes performances thermiques? Ce bois est certifié PEFC, bien, mais correspond-il à mon besoin d’imputrescibilité?),
- compatibilté d’un matériau avec ceux déjà présents (par exemple, ciment alors que les murs anciens sont en pierre ou en pisé),
- innocuité au plan sanitaire,
- durabilité (reculs dans le temps, matériau déjà éprouvé, …)
- respect de l’environnement :
– ressource renouvelable,
– bon bilan énergétique,
– bilan carbone correct,
– recyclage possible,
– proximité de production,
– production respectueuse des acteurs,
- mise en œuvre connue, maîtrisée, tant généralement que par un acteur local et disponible,
Quelques pistes développées :
Gros œuvre porteur (murs d’élévation) :
- Au-delà du traditionnel béton de ciment et ses dérivés, je vous conseille de regarder vers des techniques anciennes remise au goût du jour ou de nouvelles qui ont déjà fait leurs preuves :
– l’ossature bois (à colombage, plateforme porteuse, …),
– couplée avec un remplissage paille,
– couplée avec un béton de chanvre/chaux,
– couplée à un remplissage torchis,
– à isolation rapportée ultérieurement,
– le pisé,
– les sacs de terre (earthbags),
– les pneus remplis de terre (earthships)
– les briques porteuses en terre cuite,
– le béton cellulaire
Le Toit
- les traditionnelles charpente et couverture ont encore de beaux jours devant eux
– charpente traditionnelle en
– bois massif
– lamellé-collé,
– contre-collé,
– charpente en fermettes
– couverture :
– tuiles en terre cuite,
– bardeaux bois,
- le toit-terrasse
L’isolation
- matériaux biosourcés de préférence, ils permettent, non seulement de bien gérer les flux de calories l’hiver, mais également l’été et peuvent permettre d’éviter l’installation d’une climatisation,
Revêtements, enduits et autres : biosourcés également, bien veiller à leur perspiration,
Peintures : à base de chaux, sans solvants,
Les revêtements de sols
- carreaux de terre cuite,
- parquets,
- béton de chaux cirés,
Les menuiseries
- bois,
- bois/aluminium,
Conclusion
Un de mes anciens collègues avait pour habitude de dire : “Hâtons-nous lentement, nous sommes pressés”. Paradoxe de comportement mais sage chemin.
Combien de fois ai-je pu voir des travaux finis, bien réalisés, mais pas en accord avec les aspirations d’origine et que, dans le meilleur des cas, les maîtres d’ouvrage vont refaire et … dans le pire des cas, vont devoir supporter très longtemps, quand bien même ils porteront atteinte à leur confort ou, pire encore, à leur santé”, sans parler des atteintes au bâti.
Difficile de conclure quoi que ce soit de définitif dans tous les domaines évoqués.
Préalablement au choix définitif, rien n’est plus urgent que … de se donner le temps :
Avant l’achat :
- du temps pour la réflexion sur le style de vie auquel nous aspirons,
- du temps pour la réflexion sur le type de maison qui nous attire,
- du temps pour appréhender l’ampleur des travaux et de leurs coûts,
- du temps pour analyser la faisabilité des travaux, agencements ou autres, envisagés,
…
Après l’achat :
- du temps pour le choix des solutions parmi un ou des panels souvent varié(s),
- du temps pour le choix des acteurs qui seront retenus, de l’architecte à l’artisan en passant par les
- bureaux d’études,
…
Vous l’avez compris, un maître mot : se donner le temps …
… avec l’arrière pensée permanente : mon choix est-il le bon ?
Et comme il n’est jamais certain qu’il le sera, peut-être aussi s’accorder le droit au “coup de cœur” et, alors, assumer les possibles inconvénients non appréhendés.