Qu’il est doux le temps où nous écrivions au Père Noël, qu’il est doux le temps où, père de famille, après avoir aidé à la rédaction du courrier et à glisser les découpages des demandes dans l’enveloppe, nous y écrivions une adresse du style “Père Noël, rue des Etoiles, Pays des Rennes” et nous mettions un timbre avant d’aller, solennellement, mettre la précieuse missive dans une boite à lettre, dûment accompagnés par les requérants.
Qui étaient les plus heureux, les demandeurs ou ceux qui avaient présidé à cette belle aventure ? Difficile à dire !
Malheureusement, nous avons grandi, rédacteur des missives et demandeurs des cadeaux espérés.
Comme on dit, tellement heureux de grandir “Je ne crois plus au Père Noël !”
Nostalgie oblige, nous aimerions, en ces temps tellement différents de l’époque évoquée ci-avant, quelques 35 ans plus tard, écrire non pas un courrier au Père Noël, nous savons désormais qu’il ne passe pas, simplement croire encore une fois que nos espoirs, nos souhaits, pourraient se réaliser.
Alors, rédacteur ici, sur Soigner l’Habitat, en mon nom seul, Claude Lefrançois, je vais vous faire part de mes rêves en nous projetant tous en 2025, 2030, disons un peu plus loin dans le temps (nous retiendrons 2028) tel le voyage spatio-temporel de Marty dans la DeLorean transformée du professeur Emmet Brown dans le film “Retour vers le Futur”.
Je vous propose non pas un conte de Noël, mais un conte et deux scénarios qui, eux, selon nos choix et nos décisions, pourront s’avérer ne plus être un conte mais une réalité.
Le conte de Noël
Bonjour, bonne fête de Noël 2028. Malgré mon âge avancé, j’écris encore. Je vous dois des excuses quant à certaines de mes craintes lors des 1ères années, en 2017, 2018 et les quelques années qui ont suivi.
Au sujet du dérèglement climatique,
Je regrette sincèrement de m’être laissé influencer par les apôtres de l’apocalypse.
Certains nous prédisaient des canicules à répétition, des sécheresses de plus en plus fréquentes, une augmentation de la température, …avec leurs cortèges d’effets négatifs, à commencer par ceux qui devaient impacter nos maisons :
- l’inconfort l’été que des industriels, commerçants ou artisans nous proposaient de contrer en climatisant nos habitats,
- le tassement des sols du fait de l’assèchement des couches d’argile des terrains d’assiette dont … personne ne savait vraiment comment les traiter,
- la difficulté à produire des fruits et légumes par manque d’eau,
- … et tant d’autres catastrophes annoncées mais qui, heureusement, ne se sont pas produites
Pour se convaincre des craintes d’alors, rappelons les imprécations il y a 75 ans environ d’un certain René Dumont (vidéo), les déclarations de collapse probable comme le disaient alors des stars françaises de ces thèses : l’auteur Pablo Servigne, l’astrophysicien Aurélien Barrau, le ministre Nicolas Hulot qui avait démissionné. Il se trouvait autant d’apôtres à l’étranger, Jeremy Rifkin …
Les scientifiques du monde entier s’exprimaient dans une tribune, un groupe de spécialistes, le GIEC (pdf), nous annonçait des catastrophes imminentes, l’ONU était de la partie !
Même les jeunes s’y mettaient, faisant grève des cours les vendredis, défilant dans les rues, appelant à la désobéissance civique …
Alors certes justification ne vaut pas raison, mais quand même, il était difficile de résister à tellement d’évidences et de certitudes.
Je vous demande donc beaucoup de mansuétude à mon égard car je m’exprimais avec la plus grande sincérité et imprégné alors de certitudes absolues.
Je me réjouis donc avec vous de la tournure inattendue (en tout cas de moi) des évènements.
Je félicite les chercheurs qui, après plus de 50 ans de recherche, ont trouvé des solutions à nos déchets radioactifs.
Je félicite les promoteurs et constructeurs de la centrale nucléaire de type EPR de Flamanville pour leur persévérance et leur magnifique succès dans leur entreprise.
Certes il aura fallu beaucoup plus de temps et d’argent qu’initialement prévu, mais que valent quelques espèces sonnantes et trébuchantes face à la possibilité de chauffer nos intérieurs à 22 ou 23°, de rouler avec des véhicules électriques d’une autonomie identique à celles à moteur à explosion d’antan et ainsi partir en vacances en famille où on veut, quand on veut !
Je félicite aussi les avionneurs pour leurs aéronefs hybrides et/ou électriques, ce qui permet à tous d’aller passer un WE au soleil de temps à autres.
Merci aussi à tous les développeurs de chimie qui nous ont permis d’éradiquer tous ces insectes tellement désagréables et aux chercheurs qui ont réussi à développer les drones-abeilles qui remplacent avantageusement les anciennes butineuses, parfois enclines à nous piquer !
Et que dire du fait que les températures se sont stabilisées un peu plus haut qu’auparavant, sinon que c’est fort agréable. Par exemple en montagne, ne plus avoir de neige dans les vallées est un gain indéniable pour les gens qui s’y déplacent alors qu’elle demeure suffisante sur les sommets pour que, quiconque le souhaite, puisse s’y rendre faire du ski.
TÜÜÜÜÜÜTTTT … Mais, c’est le père Noël qui est tombé en panne devant chez moi, plus d’essence pour son beau SUV !
Comment va-t-il faire ce pauvre homme ?
Hé, papy, pose tes valises ; t’y crois plus depuis longtemps au Père Noël !
Préalable aux scénarios 1 et 2
Après les rêves et les élucubrations, je vais passer aux éventualités de notre avenir, ce ne sont que des pistes, des idées, des possibilités, des probabilités qui dépendent de ce que nous ferons dans les 10 ans à venir.
Il aurait été préférable de ne pas nous mettre dans la situation actuelle, une seule chose est certaine, nous y sommes et nous devrons faire avec !
Certains disent que ce que nous pourrons faire ne changera rien car les Américains consomment encore plus que nous et que leur président actuel ne pense qu’à continuer comme avant, peut-être même à accentuer la consommation de ressources fossiles.
D’autres pensent que les Chinois aspirent à notre niveau de vie et … de consommation. Ils pensent donc aussi que d’éventuels efforts de notre part ne changeront rien ou pas grand chose …
Je me situe du côté de ceux qui pensent que nous pouvons beaucoup, et je ne suis pas seul puisque, selon un sondage récent, six français sur dix redoutent l’effondrement de notre civilisation.
Par contre, redouter ne veut pas dire se mettre en ordre de marche pour que ça ne se produise pas !
Scénario possible 1
Nous savons que, dores et déjà, nous sommes confrontés à une augmentation globale de la température de la terre de 0,6° et celle plus spécifiquement, pour la France continentale de 1°. La différences est principalement due au fait que c’est la température de surface qui est impactée. La surface de la terre est recouverte de plus de 70% d’eau, or l’eau se réchauffe beaucoup moins vite que la terre.
Si, selon les souhaits de certains, nous ne changeons rien à nos modes de vie et, surtout, de consommation forcenée, que se passera-t-il ?
Si tous les terriens humains consommaient comme ce que consomme chaque Français, cela représenterait la production de 3 planètes.
Les Etats Uniens ont besoin de l’équivalent de 5 planètes, les Chinois de 2,1 et les indiens de 0,6. L’humanité entière consomme l’équivalent de production de 1,7 planètes.
Si nous continuons sur le rythme de croissance que nous avons connu par le passé, en 2030, la consommation de toute l’humanité nécessitera l’équivalent de production de 2 planètes.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas en reste, avec sa vedette incontestable, le CO2 (gaz carbonique ou Dioxyde de Carbone). Il n’est pas seul, quelques dauphins tirent leur épingle du jeu du dérèglement climatique : le CH4 (le méthane) et les divers NOx (les oxydes d’azote). Ces derniers, les NOx, en plus d’être de puissants GES sont aussi des agents pathogènes. Tous sont principalement émis par la circulation des véhicules à moteur à combustion et par les systèmes de chauffage à énergie fossile.
Les consommations de ressources et d’énergie fossile diverses liées à notre consumérisme font que, pour beaucoup d’entre elles, tant les énergies fossiles que les minerais, nous avons passé le pic de Hubbert (consommation supérieure à la moitié des réserves et déclin de la production). Pour de nombreux métaux, nous nous approchons dangereusement de leur criticité (moment où, bien qu’encore disponible sur le marché, la demande d’un matériau étant devenue supérieure à l’offre disponible sur le marché, il devient critique de pouvoir s’en procurer).
De très nombreux industriels, lobbyistes de tous genres, plus enclins à se soucier de leurs bénéfices à court terme que de notre avenir, ou scientistes encore et toujours certains que la technique nous sauvera, prônent que nous continuions sans rien changer et pourtant …
Il apparaît évident que si nous continuons à ignorer magnifiquement les alertes énoncées dans la partie “Le conte de Noël,”, nous allons gravement porter atteinte à notre biotope et que, pour avoir consommé de façon totalement déraisonnable nos ressources fossiles, nous serons probablement confrontés à des temps très difficiles, nous ne disposerons même plus du strict nécessaire pour changer de paradigme dans l’urgence.
Il apparaît aussi que, faute d’avoir été prudents et sages, nous devrons faire face à des situations catastrophiques de diverses natures sous la contrainte du désespoir et de l’urgence.
Scénario possible 2
Nous allons connaître des changements importants dans nos modes de vie, c’est aujourd’hui une certitude.
Face à cette évidence, que faire ? Se suicider, individuellement ou collectivement ? Se condamner à se morfondre dans une déprime généralisée ?
Perspectives bien sombres ! Elles ne me conviennent pas !
Il ne s’agit en effet plus d’éviter le dérèglement climatique (et quelques autres changements tels que des risques de crise financière, de perte de confiance du peuple dans ses dirigeants …) mais de les limiter et, surtout, nous habituer à vivre différemment.
Qu’il soit difficile d’admettre qu’il nous faudra vivre différemment, avec moins de ressources à notre disposition, ce qui aura pour effet, petit à petit, que nous devrons abandonner une foultitude de petits conforts est normal car ils sont fort agréables !
Pour être clair, de quoi s’agit-il : les voitures individuelles de forte puissance, de grande taille, très lourdes mais aussi très confortables; les résidences principales très chauffées; les résidences secondaires; les vacances aux antipodes; les fraises à Noël; les multitudes de vêtements dans les armoires; les douches quotidiennes; les écrans divers; la nourriture à profusion; l’électricité disponible de façon illimitée …
Vu du petit bout de la lorgnette il semble difficile à un individu isolé de changer la marche du monde.
Et pourtant, c’est bien la dernière goutte d’eau fait déborder le vase !
Je n’ai pas envie d’amener des gouttes, pas plus graves ni puissantes que les autres, mais une à une, elles remplissent le vase des excès de consommation des ressources et d’impacts négatifs sur le climat et sur l’environnement.
Chacune de mes actions, de nos actions a une influence sur le tout qui constitue notre biotope, la terre. Chacune a une influence sur les excès économiques, sur la disparition d’une partie du vivant, sur nos difficultés à venir.
Que je fasse ou non tel ou tel geste ne changera probablement rien à la décision d’un Etats-Unien de changer ou non son mode de vie, ce n’est pas une raison pour additionner mes éventuels effets négatifs aux siens. Je ne fais que ralentir les choses, c’est déjà ça !
Rêve ou réalité ? Contraintes ou anticipations ? Technologie et commerce ou bonheur simple ?
Et si ça tenait un peu à nous pour que le futur chante quand même ?
La difficulté à se séparer d’un bien ou d’un acquis a été largement étudiée, c’est ce que les économistes appellent l’effet de dotation (vidéo). Nous accordons une valeur relativement faible à un bien que nous n’avons pas encore. Par contre, dès lors que nous sommes propriétaire de ce même bien, nous ne sommes disposés à le céder ou l’abandonner que moyennant une contrepartie très importante !
Il en va de même pour une jouissance, un confort, bref, un avantage acquis.
De ce fait, nous étant habitués à des conforts nombreux, certes pas indispensables, mais tellement agréables et considérés comme des acquis immuables, il nous est difficile d’envisager et encore plus d’accepter de nous en passer un jour.
C’est pourquoi, plus une civilisation est évoluée, plus il sera difficile pour ceux qui y vivent de se passer de leurs acquis. Nous faisons partie de ces civilisations !
En fait, ce qui est difficile, ce n’est pas de vivre sans un équipement ou un confort qui nous étaient très agréables, c’est de le perdre.
Je vais être volontairement très fortement disruptif : puisqu’il en est ainsi, alors il serait bien que, le plus rapidement possible, nous n’ayons plus tous ces gadgets, toutes ces jouissances non indispensables à notre service afin qu’ainsi libérés de cette crainte de les perdre, nous puissions nous mettre d’emblée dans la recherche de solutions autres, plus en accord avec ce que la nature et les ressources nous permettront et que nous accepterons et consommerons … raisonnablement (tel que les solutions “low-tech”).
… On ne recommencera pas, quand même !
Que faire ?
Je n’ai pas de solution miracle, je ne sais pas ce que nous pourrons conserver et ce dont nous devrons nous passer, je ne lis pas dans le marc de café.
Je sais simplement que ce n’est pas des solutions matérielles que nous devrions nous soucier mais de la façon dont l’humanité en général, les sociétés humaines en particulier, aussi et surtout les micro-communautés à l’échelle du voisinage, pourront, devront s’organiser.
En 1968, la société d’alors s’est battue pour revendiquer le développement individuel, elle y a tellement bien réussi que nous sommes arrivés jusqu’à l’individualisme, il nous faudra probablement retrouver le sens du commun, du communautaire, superbe défi mais ce sont des gains plus difficile que d’aller concrétiser un acte d’achat : les échanges, le partage, l’entraide, ça ne s’achète pas, ça se cultive, ça se prépare. C’est ce que quelques précurseurs (re)découvrent.
Conclusion (la mienne en tout cas … que j’espère partagée par le plus possible de Pères et Mères Noël)
Je vais plagier les Shadoks, peuple dont je conseille la découverte au plus grand nombre tant, bien qu’apparemment simpliste, il est doué d’interprétations absolument imparables, les siennes … que je crains partagées par de nombreux climato-négationnistes !
(Toute ressemblance avec des situations actuelles ne serait pas forcément involontaire…).
Parmi leurs préceptes, on en trouve qui sont largement suivis par certains de nos contemporains avec des conséquences facilement imaginables.
Je citerai volontiers comme les plus remarquables à mes yeux :
- Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
- Si ça fait mal, c’est que ça fait du bien.
- S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.
- Il vaut mieux pomper d’arrache-pied même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.
- C’est en essayant continuellement que l’on finit par réussir. En d’autres termes : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche.
Fort de l’application de cette dernière maxime, je ne résiste pas à l’idée de vous rapporter la narration de leur essai à construire une fusée.
(Extrait) : “Chez les Shadoks, la situation est satisfaisante : les essais de la fusée continuent à TRES BIEN RATER.
En effet, leur fusée n’était pas très, très au point, mais ils avaient calculé qu’elle avait quand même UNE CHANCE SUR 1 MILLION DE MARCHER, Et ils se dépêchaient de bien rater les 999 999 premiers essais pour être sûrs … que le millionième marche.”
Je pense que nous nous approchons du 999 999 ème essai d’exploitation de notre planète, courage et espoir … nous nous approchons du millionième … celui qui va forcément réussir !
Nous pourrions peut-être … nous éviter quelques unes de ces 999 999 mauvaises pistes.
Soyons disruptifs et allons directement aux solutions pertinentes !
Bon Noël et bon futur à toutes et tous…
Crédits Photos : Jill Wellington de Pixabay, Pxhere 1 , 2, 3