Isolation, isolants, voilà bien des stars qui, quasi inconnues et peu utilisées avant la première guerre du golf ont atteint leur statut actuel.
On isole toujours plus, partout et pour des raisons toutes meilleures les unes que les autres : certains veulent chauffer moins, d’autres veulent bénéficier de plus de confort, au nom de tous ces beaux objectifs, c’est la course effrénée à la haute performance thermique.
Des résistances thermiques R ciblées, toujours plus élevées avec l’espoir, comme si c’était possible, d’atteindre le zéro fuite de calories.
Nous avons tous, nous semble-t-il, de bonnes raisons d’isoler en des épaisseurs de plus en plus importantes… que nous essayons de limiter grâce à des lambdas élevés.
Nous n’allons pas aborder ici les choix techniques, pas plus qu’orienter vers tel ou tel isolant. Nous n’allons pas non plus nous appuyer sur les éléments influents que sont les conditions climatiques, les situations et états des bâtis, les aspirations des occupants. Nous laissons chacun(e), en fonction de ses objectifs, de ses contraintes, de ses attentes, libre de faire ses propres choix.
Notre seul objectif est d’apporter des informations sur les isolants disponibles et les possibilités qu’offre chacun d’eux.
Nous n’avons pas pour objectif de passer en revue chaque isolant disponible.
Nous ne nous intéresserons pas non plus au volet financier ou aux diverses techniques de mise en œuvre.
Nous conseillons à ceux qui souhaitent des renseignements et des approches plus pointues de se procurer l’excellent ouvrage “L’isolation thermique écologique” de J-P. Oliva et S. Courgey aux Editions Terre Vivante.
Notre approche sera par famille d’isolant, en fonction de leur origine, ce qui en détermine la nature et les qualités globales. Dans cet article, comme dans les autres dédiés à des familles d’isolants d’origines différentes, nous mettons en avant les avantages, les limites et les inconvénients qui les caractérisent.
Nous consacrons celui-ci aux isolants d’origine pétrochimique.
Les autres familles d’isolants, d’origine minérale, végétale ou dits “biosourcés”, dits “réflecteurs”, basés sur la création d’un espace vide (dits “sous vide”) et, enfin, ceux qui ne sont pas des isolants mais parfois cités comme tels, les matériaux à changement de phase, seront traités dans d’autres articles.
Suite à des commentaires et après contrôle, nous avons intégré un (édit) concernant les valeurs lambda. Nous prions nos lecteurs d’accepter nos excuses car si des produits dotés des valeurs initialement annoncées ont bien été commercialisés, il semble qu’à ce jours ce ne soit plus le cas.
Préalable / définition
Pour rappel, sur un plan législatif, un matériau doit afficher un lambda inférieur à 0,065 pour prétendre au titre d’isolant (sachant que plus un lambda est faible, meilleur il est).
Il est fort dommage que cette caractéristique soit tellement importante dans les diverses normes, et celle quasi exclusivement admise pour juger des performances des produits isolants préconisés ainsi que pour déterminer les épaisseurs nécessaires pour répondre aux objectifs imposés.
Ce choix entraîne la non prise en compte de nombreux autres critères, pourtant importants et dont, bien sûr, nous donnerons les niveaux de performance.
Nous avons consacré, dans ces colonnes, deux articles les décrivant (y compris le lambda mais pas que…).
Le premier aborde les grands modes de déplacement des calories (“convection” (vidéo), “conduction” (vidéo) et “rayonnement” (vidéo)) ainsi que, au titre des qualités requises : “la chaleur spécifique, “la densité de mise en œuvre” et “le déphasage” (vidéo).
Le deuxième article présente : “la diffusivité” et “l’effusivité”, “le réfléchissement des rayonnements”, “la perméance”, “la sorption et la désorption” et, enfin, “le lambda”.
Nous constatons que ce ne sont pas moins de huit qualités qu’il faudrait prendre en compte (le déphasage étant plus une caractéristique découlant de la chaleur spécifique, de la densité de mise en œuvre et du lambda, c’est à dire que cette “qualité” est la résultante de trois spécificités différentes, déjà listées).
Nous expliquons dans un autre article le mode de fonctionnement d’un isolant in situ, dans un toit, et tout ce qui peut influencer son “bon ou moins bon” rendement, particulièrement du fait que le lambda n’a pas la fiabilité qu’on lui accorde…
Les grandes familles d’isolants
Nous les avons classés selon l’origine de la ou des ressource(s) principale(s) entrant dans leur composition.
Nous vous conseillons pour : la chaleur spécifique, la densité de mise en œuvre, l’effusivité, la diffusivité, la perméance à la vapeur d’eau et le lambda des diverses familles, de vous reporter à notre tableau dédié.
Les isolants d’origine pétrochimique
La deuxième famille d’isolants la plus plébiscitée, après les isolants minéraux fibreux (laine de verre et laine de roche), est celle dont les matériaux trouvent leurs origines dans la pétrochimie.
Pour rappel, lorsque les opérateurs raffinent du pétrole, ils n’en tirent pas ce qu’ils souhaitent. Cette opération consiste, globalement, à chauffer le pétrole brut, ce qui va permettre de le stratifier et en répartir les éléments par niveaux différents dans la tour de raffinage, chacun se séparant à une température propre.
Parmi les matières séparées, se trouvent bien sûr l’essence et le gasoil, mais aussi des ingrédients qui seront destinés à la pétrochimie et dont il sera tiré, entre autres, certains composés permettant de produire différents plastiques.
Pour la production d’isolants thermiques, on distingue trois sous-familles : les polystyrènes, les polyuréthanes et les mousses phénoliques (dites aussi résoliques).
Quelles performances thermiques des isolants de cette famille ?
Une évaluation selon les critères listés ci-avant nous permet de constater que :
- leur chaleur spécifique est moyenne (selon “Isolation thermique écologique” de JP Oliva et S. Courget, Editions Terre Vivante), environ 1400 joules pour faire gagner 1 K à 1 kg de produit),
- leur densité de mise en œuvre va de 15 à 60 kg/m3.
- leur diffusivité va de médiocre à très mauvaise,
- leur effusivité est correcte,
- leurs capacités de réflexion des rayonnements, comme tous les isolants non spécifiquement “réflecteurs”, sont nulles,
- leur perméance est de moyenne à très mauvaise,
- leur sorption et désorption vont de très mauvais niveau à nul,
- leur lambda va d’excellent (de 0,017 pour les meilleures mousses phénoliques, 0,023 pour certains polyuréthanes, à très moyen (0,045 pour du polystyrène expansé PSX au CO2). Edit 1 en fin d’article
Cependant, comme pour tous les produits isolants, ils ne sont plus fiables au-delà de 27° et leur fiabilité est aléatoire dès avant.
Ces isolants limitent très bien les quantités de calories qui fuient par les parois dans ou contre lesquelles ils sont employés.
Ils sont peu aptes à stabiliser les températures ou à stocker des calories. En effet, leurs lambdas de haut niveau pour les plus performants permettent des mises en œuvre en faible épaisseur pour répondre aux contraintes légales de R (performance à déterminer) et, de fait, peu d’épaisseur, une chaleur spécifique faible et une densité faible aboutissent à un déphasage et une diffusivité faibles.
Leurs capacités de diffusivité et de déphasage sont, entre autres, dépendantes des critères ci-dessus in situ (chaleur spécifique + densité de mise en œuvre + lambda)…
Leur effusivité est très bonne mais attendu que c’est surtout en surface, au contact du volume habitable, que cette capacité est importante pour la gestion du rayonnement et que les isolants de cette famille sont toujours enfermés, donc hors de tout contact direct avec le volume habitable, elle n’apporte pas grand chose.
Leur perméance va de très moyenne à très mauvaise, malheureusement gage de possibles blocages ou freins du transit de la vapeur d’eau. Ceci accentue les risques d’excès d’eau dans l’air ambiant et expose à une humidité relative élevée, hors de la “zone de confort” et propice à générer des conditions propres au développement de pathologies des voies aériennes des occupants et de pathologies diverses sur les bâtis.
Le fait qu’ils soient dépourvus de sorption et désorption les rend inertes face à une présence d’eau, qu’elle soit à l’état liquide ou gazeux, pourrait sembler un avantage mais… ce peut être un inconvénient si l’air n’est pas correctement renouvelé dans les parties habitables.
Il faut donc, pour les habitats isolés avec ces matériaux, particulièrement bien y gérer les flux de vapeur avec tout système adapté.
Dotés d’une faible chaleur spécifique, mis en œuvre en densité faible, ils ne peuvent pas, faute d’un déphasage correct, compenser la chute de leur lambda lorsque la température dépasse 27° C. Ceci est d’autant plus vrai que les informations qui nous sont données à ce sujet sont basées sur le fait que le lambda, de très bon niveau, serait stable à toutes les températures, ce qui est faux !
Comment se situe cette famille aux plans environnemental, sécurité des occupants et salubrité… ?
Feu
Les polystyrènes et polyuréthanes, sans traitement, sont combustibles. Pour les empêcher de brûler, il faut soit les assortir de protections mécaniques afin d’empêcher les flammes ou la chaleur de les atteindre, soit les ignifuger.
La protection par des moyens physiques laisse parfois à désirer et les conséquences peuvent alors être dramatiques ; pour exemple, l’incendie de la tour Grenfell à Londres.
L’autre solution, celle de l’ignifugation, n’est d’ailleurs guère meilleure car si elle évite la combustion, elle n’empêche en rien les émanations de vapeurs toxiques dans le cadre d’une montée en température, ceci sous l’effet de la pyrolyse (pdf).
La mousse phénolique est ininflammable d’origine, ce qui signifie simplement qu’elle ne brûle PAS, ce qui n’empêche pas que, sous l’effet de la chaleur, elle laisse émaner des émanations toxiques, tel que le fait apparaître le document de l’INRS dont le lien d’accès est proposé ci-dessus.
Salubrité
Ces matériaux, comme abordé ci-dessus, sont très souvent émetteurs d’émanations toxiques en cas de montée en température.
Pour ce qui est du classement sur le plan des émanations de COV, il relève, comme pour tous les matériaux, d’une vaste fumisterie puisqu’en effet, seulement une partie de ceux-ci fait l’objet de recherches et entre dans le classement et que celui-ci ne les prend en compte que dans une tranche de température très limitée : 23° ± 2°. Autant dire qu’un matériau placé à proximité d’une source d’émission de chaleur sort très vite de cette fourchette…
Que penser de ces matériaux, du fait de leur quasi incapacité de sorption et désorption, de leur très faible perméance à la vapeur d’eau, si ce n’est que, forcément, ils augmentent le risque de matérialisation d’un point de rosée en cas d’utilisation inappropriée ou non associée à un système de renouvellement d’air performant… Et ces risques ont des impacts au plan sanitaire.
La non ou médiocre perspirance de ces matériaux peut engendrer des désordres importants aux bâtis (moisissures, pourrissement, rouille des ferrailles d’armature des bétons) ainsi que des pathologies vis-à-vis des occupants (entre autres des émissions de spores allergisantes par les moisissures, ce qui provoque des maladies des voies aériennes (rhumes, rhinites …)
Energie pour la production
Tous les isolants de cette famille nécessitent de l’énergie pour les fabriquer, comme tous les autres par ailleurs. Cependant ils sont relativement plus “gourmands” en comparaison avec d’autres familles.
Ressources de base
La disponibilité des ressources est quasi parallèle à la vente des carburants. En effet, d’origine pétrochimique, ils sont, en sortie de raffinage, des dérivés qui, faute de trouver une utilisation sous forme de mousse PU (polyuréthane), PE (polystyrène) ou mousse résolique, seraient bien souvent des résidus (les PU et PE trouvent également d’autres usages que l’isolation : mousse pour des coussins, usage dans l’automobile, colles …). La fabrication des mousses PU et PE en tant qu’isolant permet donc la consommation d’un sous-produit du raffinage. Ceci rend le carburant moins cher et favorise probablement une consommation par ailleurs beaucoup trop grande, eu égard entre autres à la pollution qui en découle.
Recyclage
Les polystyrènes et polyuréthanes sont, théoriquement, recyclables. En effet, des process le permettant ont été mis au point. Cependant, dans tous les cas, pour être recyclés, les éléments doivent ne présenter aucune pollution avec un autre matériau quel qu’il soit. Dit autrement, il n’est pas possible de recycler du polystyrène ou du polyuréthane qui contiendrait, par exemple, du “placo”, des colles ou du crépi, ce qui limite les possibilités sauf à dépenser des sommes très importantes, ce qui est la cause principale du non recyclage de ces matériaux, pour le polystyrène comme pour le polyuréthane ; tout au plus peut-on en espérer une valorisation en tant que combustible (avec des inconvénients de pollution proche de ceux des carburants classiques d’origine pétrolière).
Certains ignifugeants bromés, classés cancérigènes, certes désormais interdits, se trouvent encore dans des isolants datant d’avant leur interdiction, en empêchant, de facto, toute possibilité de recyclage.
La mousse phénolique semble encore moins valorisable puisqu’elle ne peut même pas être utilisée en tant que combustible
Conseils
Bien qu’ils soient très utilisés et arrivent en seconde position en terme de volume, ce qui est principalement dû à leurs lambdas de bon niveau, limitant les épaisseurs nécessaires pour atteindre une performance R déterminée, peut-on les recommander en toutes circonstances ?
Malheureusement non car cette faible épaisseur, combinée à de médiocres capacités en chaleur massique, fait que, globalement, cette famille d’isolants n’est pas, et de loin, celle qui propose le meilleur compromis toutes qualités prises en compte. Il faut limiter le recours à ces isolants pour les lieux où il est difficile voire impossible de leur en substituer d’autres présentant les mêmes capacités isolantes mais avec des inconvénients moindres.
S’ils sont utilisés, il convient, pour optimiser le confort espéré, de les accompagner de parements sélectionnés performants, mais non collés contre eux car, alors, ils deviendraient non recyclables.
Conclusion
Bien que se taillant une belle place en terme d’emploi et de volumes utilisés, ces trois outsiders que sont les isolants d’origine pétrochimique ne correspondent pas, dans leur globalité, aux critères de sélection que sont les nôtres, développés dans deux articles antérieurs.
Nous avons aussi publié ici une chronique résumant comment sélectionner un isolant, article qui renvoie vers un grand nombre d’autres écrits sur l’isolation, également publiés ici.
Ils sont fabriqués grâce à des dérivés du pétrole, obtenus entre autres après raffinage.
Ils participent donc à la consommation de cette ressource fossile et à l’émission de gaz à effet de serre suite à la combustion d’autres dérivés tels que l’essence, le fuel, le kérosène…
Par nature ces matériaux sont combustibles et laissent émaner des vapeurs toxiques en cas de combustion.
Pour les empêcher de brûler, ils sont généralement ignifugés, ce qui n’empêche en rien l’émanation de vapeurs toxiques (par pyrolyse) en cas de montée en chaleur au cœur d’un incendie vapeurs dues à la composition des ingrédients de base auxquelles il faut ajouter les vapeurs issues des ignifugeants, parfois plus toxiques que les autres !
Ils nous sont présentés avec des classements aux COV de très bon niveau, mais c’est de la poudre aux yeux quand on connaît les conditions des tests.
Ils sont généralement assez fermés à la migration de la vapeur d’eau, ce qui engendre des rétentions susceptibles de favoriser le développement de points de rosée avec la cohorte des effets secondaires pour les bâtis et, pire encore, pour les occupants.
Bien que recyclables, pour des raisons économiques, ils ne seront jamais recyclés.
Nous ne pouvons pas les conseiller ; de là à les déconseiller…
Crédits Photos : Cjp24, Katsuhiko Saido
Edit 1 : Après contrôle il s’avère qu’a priori les produits désormais commercialisés sont certifiés a minima avec un lambda de 0,040
Bonjour, un tout grand merci pour toutes ces informations. On me dit que pour les toitures plates, il n'y a pas d'isolants valables autres que ceux produits par la pétrochimie. Est-ce vrai ?Je voulais isoler une toiture qui est plate et inclinée et je souhaitais une isolation écologique (laine de bois). Est-ce que cela est valable de combiner les deux (laine de bois pour les parties inclinées et PIR pour les parties plates) et à quoi doit-on être vigilant (pare vapeur/raccords etc?)
Bonjour Isabelle,
Vous ne précisez pas si la structure porteuse est en béton ou en bois, cela a son importance quand aux choix techniques à retenir.
La difficulté principale principale pour traiter une toiture terrasse vient du fait de la présence d’une étanchéité coté froid qui par nature empêche toute évaporation de la vapeur d’eau et crée un plan de condensation sous la membrane. Il convient donc de choisir une pare vapeur coté chaud avec une valeur Sd suffisante pour interdire la migration de vapeur d’eau dans le complexe isolant. dans de tels cas je réalise systématiquement une étude de paroi avec un logiciel adapté (Ubakus ou Usai) pour mesurer les risques et valider la solution technique retenue. La pose du pare vapeur dans ces cas là ne supporte aucune imperfection.
Vous pouvez tout à fait vous passer du PIR pour une toiture terrasse au profit d’une fibre de bois rigide haute densité ou de plaques de liège expansé, simplement pour avoir un R équivalent il faudra beaucoup plus d’épaisseur. Dans le cas d’une structure porteuse bois il va se poser aussi le problème du confort d’été.