Les centres-villes étaient autrefois les lieux de vie les plus actifs, on y trouvait tout ce qui était l’essence d’une ville : habitat, commerces, dépôts, artisans, écoles, lieux de culte, services publics…
Le principal de l’occupation était l’habitat, généralement aux étages.
Pour économiser l’emprise foncière et densifier l’habitat, ce qui est une des définitions de la ville, les maisons ou immeubles disposaient au mieux d’une cour intérieure. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui les maisons de ville.
Les choses, aujourd’hui, ont bien changé.
Elles présentaient beaucoup d’avantages, cependant elles sont de moins en moins occupées. Auraient-elles perdu leurs attraits ?
Ces vieux centres-villes devront revivre, il va falloir les réinvestir, par contre il semble assez évident que, pas plus ici qu’ailleurs, les futurs occupants accepteront de vivre tel qu’il y a 50 ans.
Cet article fait le point sur ce que sont les habitats qu’on y trouve. Deux autres suivront, dédiés à leur possible amélioration thermique pour faire qu’avec leurs attraits, mais aussi leurs contraintes, ils redeviennent attractifs, particulièrement au plan du confort et qu’enfin, on les ré-investisse.
Préalable
Mis à part dans des zones en croissance démographique, où elles sont généralement bien occupées, mis à part également les villes universitaires, les centres-villes de l’immense majorité des villes de province, de petites à moyennes, se sont vidés de leurs habitants.
“Certains diront qu’on ne parle plus de “province” mais de “région”.
C’est vrai mais la province fleure bon les us et coutumes de vie, les traditions locales, y compris d’habitat, les attachements au territoire et à son histoire, alors que la région évoque plus l’organisation de l’administration, ce qui est beaucoup moins poétique. Alors sacrifions une fois encore au bonheur de la province !
Ces centres-villes sont parfois élevés au rang de musée à l’échelle d’un quartier : rénovation de maisons à colombages, immeubles classés, le tout en respect des aspects anciens. C’est probablement une bonne chose, mais qu’en est-il de la vie qui y règne ?
Où sont passés les commerces, dits maintenant de proximité, que nous qualifierons plutôt de commerces vitaux (manger, boire, se vêtir, acheter ce qui est nécessaire à la vie réelle…) : épicerie, boucherie, boulangerie, mercerie, quincaillerie… ?
Pour pallier la désertification de ces petits commerces, pour cacher les “dents” creuses des anciennes vitrines, désormais vides, certaines municipalités les ont “décorées” de photos grand format du quartier lorsqu’il vivait. C’est moins triste !
Où sont passés les services à la population : les petites postes de quartier, les tribunaux d’instance, les perceptions… ?
Remplacés par des compagnies d’assurances, des agences bancaires (pour combien de temps encore ?), des agences immobilières, des fast-foods divers, des fleuristes, bref, un peu de tout mais rien d’essentiel pour satisfaire les besoins primaires…
Il s’agit là d’autre chose que satisfaire les besoins primaires évoqués ci-avant : l’organisation de la société, basée sur des lieux de vie sans commerces, et des groupements de commerces ou centres commerciaux dans les zones commerciales… Ne nous égarons pas, ceci fera l’objet d’autres articles.
Peut-on se passer de ces centres-villes ?
Va-t-on encore longtemps se satisfaire des zones habitables déconnectées des zones de travail et des zones de vie que représentent les services, les commerces de base pour faire face aux besoins primaires ?
Va-t-on encore longtemps se satisfaire des nécessaires déplacements qu’engendre ce tryptique de zones ?
Va-t-on plonger dans le rêve totalement irréaliste des promoteurs de solutions “vertes” de déplacement individuel que seraient les voitures individuelles électriques ou à hydrogène ?
Va-t-on continuer encore longtemps à rêver de la maison individuelle, éloignée le plus possible de ses voisines, forcément plus déperditive de calories car avec plus de surface de murs échangeurs avec l’air extérieur ?
Va-t-on continuer encore longtemps à négliger cette ressource de volumes habitables déjà existante et qu’il ne reste qu’à amener au niveau actuel et légitime de confort ?
Va-t-on continuer à construire du neuf au lieu de valoriser de l’ancien, ce qui engendre infiniment plus d’émission de Gaz à Effet de Serre ?
Va-t-on continuer à consommer des surfaces énormes de terrain agricole, forestier ou autres espaces naturels pour favoriser l’étalement urbain ?
Pour le moins, continuer à accepter ces orientations serait une erreur funeste !
Spécificités d’une maison de ville
La concentration urbaine implique de construire sur des terrains de petites à très petites dimensions, parfois limités à l’implantation totale de la bâtisse. Ceci impose des contraintes particulières.
Spécificités générales
Terrain en jouissance
Le plus souvent, elles en sont dépourvues ou, lorsqu’il y en a un, il se limite à une petite cour, parfois accessible uniquement en passant préalablement par la maison.
Intégration dans un ensemble
Ces maisons sont souvent avec des murs mitoyens, les façades s’alignent, parfois aussi les toits.
Dans certains cas elles peuvent même être soumises à des contraintes d’aspect, d’obligations de respecter une architecture générale à l’échelle d’une rue, d’un quartier.
Alignement, implantation
Très souvent implantées en limite de propriété par rapport à la voie publique qu’est la rue, il sera nécessaire d’intégrer cette spécificité, particulièrement pour l’isolation et la gestion des remontées capillaires.
Destination, usage
Lorsque le rez-de-chaussée a été utilisé en tant qu’espace inhabité, par exemple à usage de dépôt ou d’atelier d’artisan, et que le projet est de le rendre habitable, bien veiller à ce que le changement de destination soit acceptable.
Spécificités pouvant impacter le confort
Recul par rapport aux limites
Une des spécificités des maisons de ville est que, généralement, elles sont implantées sur des terrains de petite dimension.
De nombreuses règles d’implantation (pdf) peuvent leur être appliquées, allant d’une hauteur maximale autorisée à une distance minimale des limites, en passant par l’emprise jusqu’à la limite, implantation dite “sur bornes”.
Ouvertures sur l’extérieur
Attendu que, pour les mêmes raisons de proximité des limites, les ouvertures dans les murs donnent systématiquement soit sur la rue, soit sur une propriété voisine, le percement d’une nouvelle menuiserie sera peut-être soumise au bon vouloir des propriétaires voisins.
Murs borgnes
Lorsque des maisons sont mitoyennes, elles sont forcément borgnes au niveau des murs mitoyens, ce qui là aussi est une limite dans les capacités d’agencement, d’aération et d’éclairage naturel.
Ensoleillement
L’élévation de nombreuses constructions à proximité les unes des autres, leur hauteur relativement similaire, font qu’elles constituent des écrans naturels mutuels. Ceci est surtout vrai au lever et au coucher du soleil, accentué encore l’hiver, ce qui bien sûr limite le bénéfice à la fois de la luminosité et de l’apport des calories du soleil.
Chaleur
On entend souvent dire que l’été les concentrations urbaines constituent des îlots de chaleur et, lors des canicules, le rafraîchissement nocturne y est plus limité qu’en rase campagne. Ceci est vrai mais s’applique plus aux quartiers récents dotés de larges boulevards et parkings bétonnés ou “goudronnés”.
Cependant, et afin d’être complet à ce sujet, si l’îlot est constitué de rues étroites tel que les villes anciennes étaient conçues autrefois, il y fera généralement moins chaud qu’à l’extérieur, dans l’ilôt. L’hiver, les murs de ces maisons proches rayonnent et, là aussi, la température est moins extrême qu’à l’extérieur de la ville.
Technique constructive
Hormis dans certains centres-villes constitués de maisons ou immeubles à ossature bois, dont certains, parmi les plus remarquables, sont inscrits au répertoire des monuments historiques, donc relevant spécifiquement du traitement de ce type de maisons, le plus souvent ces bâtisses sont édifiées avec des murs massifs en pierre ou briques, plus rarement en pisé.
Ces parois concentrent de grandes qualités soulignées ci-après et largement développées dans un article dédié. Elles devront être mises à profit.
Compacité
Si, tel que nous l’avons développé ci-avant, de tels habitats sont porteurs de handicaps, ils sont heureusement pourvus d’un avantage considérable : leur compacité propre, le fait que les maisons et immeubles anciens soient très souvent accolés les uns aux autres, ou, à tout le moins, leur grande proximité favorisent la conservation des calories dans les îlots ainsi constitués.
Effusivité Diffusivité
Le confort est en grande partie dépendant de la qualité des parois qui nous entourent. Plus l’effusivité est favorable (valeur basse), meilleur est le rayonnement émis. Or l’humidité relative de l’air ambiant et l’effusivité des parois sont les deux qualités les plus décisives pour le ressenti de confort.
La diffusivité est aussi importante, mais moins prépondérante, et les matériaux utilisés (pierre entre autres), du fait de leur densité, peuvent la compenser en partie.
Inertie
Une grosse masse de matériaux à forte densité permet de stocker les calories et donc stabiliser la température de l’air ambiant par le rayonnement qu’elle est en capacité de générer.
Les murs massifs de ces maisons en sont bien pourvus.
Perspirance
Ces murs, s’ils ont été bien traités, sont dotés de capacités de migration de la vapeur d’eau qui vont de correctes à mauvaises, rarement exceptionnelles, particulièrement en cas de mitoyenneté, ce qui réduit la surface totale d’échange avec l’air extérieur.
Etanchéité au vent
Tels que ces murs ont généralement été réalisés à l’origine, ils répondaient à diverses contraintes, notamment d’étanchéité au vent et de perspirance. Les enduits anciens à la chaux étaient très ouverts à la diffusion de la vapeur d’eau ainsi qu’à la migration d’eau par capillarité, ce qui permettait à ces murs de se sécher. Le traitement intérieur, soit avec un enduit terre soit avec du plâtre, apportait d’excellentes solutions à l’étanchéité au vent et régulait très bien le transit de la vapeur d’eau.
Murs à pierre apparente
Parfois, et selon leur qualité, les pierres pouvaient être conservées apparentes en face extérieure, jamais à l’intérieur… un peu comme si nos anciens avaient compris qu’il était nécessaire de corriger l’effusivité des murs (l’effusivité de la pierre n’est pas bonne) et réguler le transit de la vapeur d’eau, en limitant les volumes entrant depuis la partie habitable afin de ne pas risquer une saturation dans la paroi, caractérisée par un point de rosée et donc la matérialisation d’eau liquide dans le bâti.
Résumé des avantages et inconvénients
Dans certains cas, la même spécificité représente à la fois un avantage et un inconvénient, selon les aspirations des occupants.
Avantages
Le terrain d’assiette est généralement limité, ce qui signifie que son entretien le sera aussi.
Les extrêmes de température, tant l’hiver que l’été y sont écrêtées, moins froid l’hiver, moins chaud l’été.
Les murs y ont généralement été réalisés avec des matériaux denses, ils sont généralement épais, et les techniques retenues assuraient une pérennité à l’ouvrage, ce qui leur a permis d’arriver jusqu’à nous.
Ces murs épais et denses constituent une masse stabilisatrice de la température.
Les maisons de ville favorisent la possibilité de moins utiliser des transports individuels, les commerces et les services étant généralement plus proches qu’en cas de résidence en secteur diffus.
La vie sociale y est aussi plus aisée que dans le secteur diffus ou dans de grands ensembles plus contemporains.
Ces maisons sont généralement moins chères et peuvent être une opportunité pour des accédants peu fortunés ou des primo-accédants.
Elles peuvent représenter une solution au manque de logements et un investisseur privé peut assez aisément se porter acquéreur de ce type d’habitat.
Inconvénients
Le terrain d’assiette est généralement de petites dimensions, ce qui limite les possibilités de parking ou d’exploitations diverses, par exemple pour un potager.
Cette absence de terrain peut représenter un handicap lors de la réalisation des travaux, particulièrement pour le stationnement des véhicules des intervenants, pour le stockage des matériaux ainsi que pour la gestion des déchets.
Les possibilités d’évolution architecturales des façades, entre autres d’ouverture de nouvelles menuiseries ou de réalisation d’une isolation par l’extérieur, y sont plus limitées ou contraintes qu’en secteur diffus.
Les volumes intérieurs des pièces peuvent y être limités.
L’agrandissement y est beaucoup plus limité et contraint.
En cas de difficulté physique à se déplacer : l’emprise au sol limite souvent la possibilité d’y agencer une chambre en rez-de-chaussée et l’accès depuis l’extérieur s’y fait souvent via une ou deux marches. Deux handicaps à prendre en considération.
Comment opérer ? Que faire ?
Nous rappelons combien il ne sous semble pas “raisonnable” de suivre les conseils de vendeurs de matériaux sur le coin d’un comptoir, souvent prompts à “donner” un conseil, par ailleurs sollicité, sans connaître le bâti, son état, ses contraintes, comme si une solution universelle pouvait résoudre une demande universelle !
Nous avons déjà écrit ici pourquoi il faudrait toujours et avant toute autre démarche, même visant à conceptualiser l’occupation future, imaginer la répartition et la destination des espaces, analyser parfaitement et complètement l’immeuble.
La vision et les conseils d’un(e) sachant(e) sont extrêmement précieux. L’investissement sera bien vite amorti même si, au départ, il peut sembler important. Dans la réalité, que représente-t-il par rapport à l’achat des matériaux, aux surcoûts futurs éventuels lors de l’exploitation, aux désagréments visuels, risques structurels, sanitaires, de pérennité de l’habitat… ?
On connaît le coût de l’intervention d’un compétent, on ne sait jamais ce que pourraient coûter des erreurs dues à des incompétences.
L’auto-réalisation, malgré tous les attraits qu’il est possible d’y trouver, est ici comme ailleurs susceptible de déboires. En connaître le risque est toujours bon.
Précautions particulières
Par essence même, une maison individuelle de centre-ville est voisine d’autres maisons, parfois habitées. Tout chantier provoque des désagréments pour le voisinage : bruit, poussière, véhicules en plus grand nombre, …
Avertir le voisinage des futurs désagréments est un excellent moyen de désamorcer un conflit avant même qu’il éclate.
Les espaces de parking, stockage et tri en cours de chantier, sont par essence limités, il est souvent nécessaire d’anticiper les occupations de la voie publique et demander les autorisations en amont.
Conclusion
Comme dans beaucoup d’autres sujets, il n’y a pas que des avantages à s’intéresser à ces maisons de ville, mais il n’y a pas non plus, loin s’en faut, que des inconvénients.
Nous venons de faire un passage en revue des avantages et inconvénients de ce type d’habitat au plan technique et exploitation.
Il aurait fallu aussi s’intéresser aux aspects sociétaux, l’avantage de la proximité des services et/ou commerces, la difficulté d’y stationner un véhicule individuel. Ces volets feront l’objet d’un autre article.
En complément de celui-ci, dédié aux bâtis, nous allons en consacrer 2 autres concernant les travaux qu’il nous semble normal d’envisager afin de jouir, ici comme ailleurs, d’une vie agréable, au niveau de confort souhaité et sans porter atteinte au devenir de ces maisons.
Ce sont des vieilles dames, elles ont fait le bonheur de nombreuses générations, elles vont faire le bonheur de la génération actuelle. Il est primordial de leur permettre de continuer ainsi encore longtemps, ce qui nécessite de tenir compte de ce qu’elles sont !
Merci à Clément Jamin pour son aide précieuse.
Crédits photo : pixabay, wikipedia, mairie de Lapalisse (03)