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  • La laine de verre : si révolutionnaire ?

S’il est une star des isolants thermiques en France, c’est bien la laine de verre .. tout au moins, pour son volume de vente … consécration générale méritée ou titre justifié ? Incontestablement elle a connu et connaît encore un vif succès. Il nous semble donc normal de nous poser la(les) question(s) d’un tel succès. C’est ce que nous vous proposons et nous essaierons d’en tirer des conclusions.

D’abord, comme beaucoup, j’en ai posé et j’en ai vendu. Ensuite, petit à petit, je me suis informé et j’ai creusé, approfondi, jusqu’aux constats développés ci-après.

Pourquoi un tel succès pour la laine de verre  ?

  • un des isolants les moins chers, peut-être même l’isolant le moins cher,
  • la matière première principale est disponible en grande quantité (*),
  • elle est disponible partout sur le territoire. Quel patron de négoce de matériaux de construction, quel directeur Grande Surface de Bricolage accepterait de ne pas en proposer?
  • sa mise en œuvre est simple et parfaitement connue. Si un auto-constructeur ou auto-rénovateur se pose parfois des questions de compétence face à certains matériaux, qui ne se sent pas capable de couper de la laine de verre avec un couteau à pain ?
  • elle est avantageusement transportable avant la pose. Comprimée en rouleau au point de représenter un volume à transporte 10 fois moins important que son volume décompacté lors de la mise en œuvre, elle limite les manipulations.
  • de nombreuses entreprises sont aguerries à sa mise en œuvre. Quel artisan n’a pas, un  jour, mis en œuvre ou vu mettre en œuvre de la laine de verre ?
  • elle nécessite peu, voir pas, d’équipement sophistiqué pour sa mise en œuvre. Qui, souhaitant faire des travaux, ne possède pas un couteau à pain ou une égoïne ?
  • ses capacités isolantes sont bonnes (bon lambda)

Tout ceci explique son succès commercial.

Tout d’abord un peu d’histoire :

Depuis longtemps l’homme s’intéresse à la matière verre : succinctement, car l’historique du verre lui-même n’est pas notre objet, les premières productions de matériaux opaques vitreux remonteraient entre -3000 à – 5000 avant JC.  Puis vinrent les verres transparents, 600 ans avant JC, suivis des verres soufflés, entre 300 et 100 avant JC. Le verre à vitres lui remonte au dernier siècle avant JC mais son véritable envol se produit au moyen âge grâce à la découverte du verre plat issu de verre soufflé.

En ce qui concerne le verre utilisé en tant que matière première pour la fabrication d’isolant, l’histoire est beaucoup plus récente. La 1ère guerre mondiale finit de consacrer la révolution industrielle initiée quelques 70 ans plus tôt en Angleterre.

A la  fin de cette guerre, les migrations de population des campagnes vers les zones des manufactures provoqua un changement des habitats.

Les habitats à murs de masse, souvent auto-construits, toujours avec des matériaux localement disponibles, et qui avaient pour vocation, non seulement d’abriter les hommes, mais aussi les animaux, émetteurs de précieuses calories et  le stockage de fourrage dans le grenier, mode simple de conservation des calories, furent, petit à petit, abandonnés.

Les nouvelles constructions furent, de plus en plus, édifiées avec des parpaings au béton de ciment Portland, adieu les murs de masse; souvent édifiées sous forme d’habitat groupé, entre autres les bien connues cités ouvrière.

Ces nouvelles constructions s’avèreront très inconfortables et il a fallu très vite chercher à corriger ce handicap en essayant de conserver les précieuses calories, entre autres en intégrant des isolants … qui restaient à développer ou, plus encore, à inventer.

Une des preuves encore vivantes de ce mouvement est la maison en paille, dite “maison Feuillette”,  située à Montargis et édifiée en 1920, première mondiale du mariage de l’ossature bois et de la paille, mais ceci est une autre histoire.

Les principes de la physique de la migration de la chaleur étaient connus depuis déjà quelque temps, notamment grâce aux travaux de Fourrier avec sa loi dite “loi de Fourrier”, Newton et sa loi sur le refroidissement et, enfin, pour compléter ce trio majeur, Max Plank.

Les recherches et le développement de matières susceptibles d’emprisonner de l’air furent la voie royale du développement des matières isolantes. La laine de verre s’inscrit totalement dans ce mouvement.

COCORICO !!!, la première publication officielle sur la fibre de verre est attribuée au physicien et naturaliste français René-Antoine Ferchault de Réaumur (1713).  Sa 1ère utilisation connue fut anecdotique : intégration en 1893 par  Edward Drummond Libbey dans un vêtement présenté à l’exposition internationale de Chicago.

Il faudra attendre encore 40 ans et 1932 pour qu’un employé de la société OWENS-CORNING invente la laine de verre, presque 20 ans après la maison Feuillette ! Depuis, la laine de verre s’est développée pour prendre la place qu’on lui connaît aujourd’hui.

Il est très difficile de connaître les volumes réels vendus par chacun, leur destination et donc la répartition des parts de marché de l’isolation, famille par famille. En France, assez unanimement, les acteurs s’accordent à reconnaître des parts de marché avoisinant les 50% pour les isolants fibreux d’origine minérale. Dans cette répartition la laine de verre se taille la part du lion. Elle se positionne, et de loin, devant n’importe quel autre produit en terme de surface isolée.

D’où, pour y revenir, la place de star des isolants que certains lui confèrent et le rôle d’étalon qu’ils aimeraient bien, aussi, lui attribuer.

Au fil de cet article, nous allons analyser ce qu’il nous semble important de prendre en compte, afin de nous faire notre propre idée.

Les caractéristiques principales de la laine de verre

Son principal composant est disponible en quantité sur la planète

Elle est d’origine minérale et son  principal composant, la silice, en tout cas pour cet emploi (*), est largement disponible sur la planète,  loin de nous manquer. Cependant pour fabriquer un isolant fibreux avec de la silice, il faut faire fondre du sable, pour ce faire, il faut de  l’énergie, beaucoup d’énergie.

(*) :  le sable nécessaire pour la fabrication du béton devient une denrée rare et précieuse car il doit répondre à une granulométrie précise. Ses arêtes doivent être vives, ce qui exclut l’emploi du sable des déserts car le vent a rendu ses grains ronds et lisses, donc impropres à son emploi avec un liant à base de ciment Portland. La fabrication de la laine de verre, quant à elle,  implique la fonte de la silice. Donc, quelque soit sa forme ou son état, un sable siliceux permettra toujours la fabrication de laine de verre.

Des besoins en énergie gargantuesques

Pour 1 m3 d’isolation mise en œuvre, il faudra en kWh (pour fabriquer, transporter, mettre en œuvre)  :

  • ouate de cellulose en vrac, densité 55Kgs/m3 : environ 100
  • laine de bois semi-rigide : environ 170
  • laine de verre en panneaux : de 300 à 450
  • laine de roche en panneaux : de 450 à 600
  • polystyrène extrudé : env. 850
  • polyuréthane : environ 950
  • verre cellulaire : de 650 à 1 000

Source : isolation écologique, auteurs JP OLIVA et S COURGET, Ed. Terre Vivante)

De médiocres qualités de déphasage

Le déphasage est le temps nécessaire pour une calorie pour traverser un élément de part en part. Il dépend en partie de son lambda, mais surtout de ses capacités thermiques massiques et de sa densité de mise en œuvre.

Les médiocres performances de la laine de verre dans ce domaine ne lui permettent pas de stabiliser la température, pourtant gage de confort.
L’été, le rayonnement direct du soleil sur les parois isolées avec cette matière fait que, faute d’un bon déphasage, elles sont rapidement traversée par la chaleur. Ce handicap entraîne de plus en plus souvent l’installation de systèmes de rafraîchissement tels qu’une climatisation.

Là où il semblait qu’une économie avait été réalisée lors de la construction du fait du choix d’un isolant peu onéreux, il s’avère rapidement que l’économie n’en n’est pas une.  Le coût de l’installation de la climatisation et sa consommation électrique auront tôt fait de transformer l’économie supposée en réel surcoût.

Aucun pouvoir hygroscopique

Elle n’a aucune capacité à absorber de la vapeur d’eau avant saturation, contrairement aux isolants d’origine végétale.Si ceci est généralement présenté comme un avantage, à nos yeux c’est au contraire un handicap.

Expliquons un peu les phénomènes :
– de l’air intérieur chauffé, dans un espace relativement clos, va se dilater sous l’effet de cette chaleur. Il va, de ce fait, devenir sous pression par rapport à l’air extérieur,
– étant sous pression, il va forcément migrer de l’intérieur vers l’extérieur,
– l’air chaud peut contenir plus de vapeur d’eau que de l’air froid,
– lorsque, sous l’effet de sa propre pression, de l’air migre au travers d’une paroi et qu’il s’approche de l’air froid extérieur, il se refroidit lui-même,
– la baisse de température de cet air provoque  la condensation d’une partie de la vapeur d’eau qu’il contenait (vapeur  d’eau générée par nos propres activités : cuisine, toilette, vaisselle,  lessive, respiration, transpiration …)
– c’est ce qu’on appelle le point de rosée,
– les 2 seuls moyens de limiter ces points de rosée :
   a) faire baisser la teneur en vapeur d’eau :
• les isolants fibreux ne peuvent pas absorber d’eau sous forme de vapeur et donc le point de rosée y sera maximal,
• les isolants d’origine végétale ont la faculté de contenir un  peu de vapeur d’eau avant condensation, ce qui va retarder et limiter le point de rosée.
   b) ralentir le refroidissement de l’isolant, ce qui se produit du fait d’un bon déphasage : dans ce domaine le végétal est meilleur que le minéral …

Un isolant isole principalement via l’air qu’il emprisonne.

Si, sous  l’effet d’un point de rosée, l’air est remplacé par de l’eau, alors  l’isolant, dans cette partie mouillée, n’isole plus.

Reprenons  les points 2 et 3 : plus il fait froid dehors, plus on chauffe et se confine à l’intérieur et plus, pour éviter de chauffer, il faut que  l’isolant soit performant … or, c’est précisément sous l’effet de la température extérieure basse que le point de rosée, avec un isolant  minéral, va être important et donc l’isolant isolera moins. Dit  autrement : plus tu en as besoin, moins il marche !

Si un point de rosée se matérialise dans un isolant, il en pénalise le bon fonctionnement

C’est là que, normalement,  il se matérialisera car c’est là qu’est le plus important delta de  température entre extérieur et intérieur. Si la température extérieure chute, le point zéro degré dans l’isolant se déplace vers l’intérieur.
Attendu que ce point zéro se déplace plus vite que l’eau ne peut migrer, il se peut qu’il se soit tellement déplacé vers l’intérieur que le point de rosée gèle.
Un point de rosée, ce sont des gouttelettes d’eau posées sur les fibres d’isolant. Lorsque ces gouttelettes gèlent, elles se solidarisent avec leur support, les fibres dans l’isolant. Lorsqu’elles gèlent à cœur, comme toute eau qui gèle, elles se dilatent … les fibres minérales étant non déformantes, elles se brisent et … l’isolant se déstructure et s’affaisse.
C’est ainsi que les isolants fibreux vieillissent. La grande différence entre les isolants d’origine minérale et ceux d’origine végétale, c’est que les premiers ont des fibres non déformables, contrairement aux seconds dont les fibres, elles, sont déformables … ce qui les rend réversibles au gel.

Les isolants d’origine minérale ne sont que rarement recyclés

Ils consomment beaucoup d’énergie grise à la production, mais la matière première principale pour leur production (sable siliceux) est peu coûteuse. Il est, économiquement, plus rentable de prendre du sable “neuf” que d’utiliser de la laine minérale ancienne nécessairement re-collectée. Les laines de verre anciennes viennent donc gonfler nos productions de déchets ultimes.

En cas d’incendie, elle ne brûle pas

Certes les isolants minéraux ne brûlent pas, mais  ils ne ralentissent que très faiblement le transfert des calories au travers d’une paroi entre un local en feu et son voisin hors feu  (mauvais déphasage), n’ayant ainsi qu’un effet très réduit sur la non propagation des feux.
Les isolants d’origine végétale brûlent, certes, mais lentement et, surtout, du fait de leurs grandes qualités au niveau du déphasage, ils ralentissent considérablement la propagation  des incendies permettant ainsi de circonscrire un incendie à son local de départ et favorisant alors l’évacuation des autres locaux hors feu. Ceci est d’autant plus aisé que leur combustion n’émet aucune vapeur toxique.

Des risques sanitaires

Les isolants fibreux minéraux sont ainsi fabriqués que leurs fibres sont trop longues pour atteindre les alvéoles pulmonaires et risquer de  traverser la paroi pulmonaire, puis la plèvre risquant alors d’y déclencher un cancer (à l’identique de l’amiante) … sauf si les  fibres ont été brisées sous l’effet des points de rosée successifs qui auront gelé, elles seront ainsi plus courtes et alors, dommage, elles pourront atteindre les alvéoles pulmonaires, puis la plèvre, puis…

Ceci a été vrai jusqu’en 1998. scandale de l’amiante oblige, il a fallu trouver une parade !
Comme le disaient les shadoks, “s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème”. Hé bien problème il y avait effectivement, alors les fabricants ont trouvé la solution : ajouter du bore aux autres composants de la fibre.

Quelques explications s’imposent : notre organisme a la faculté de dissoudre le bore et, ce faisant, de désagréger les fibres minérales qui se seraient plantées dans la plèvre au travers des alvéoles  pulmonaires.
Bravo ! … Sauf que le % de bore est très élevé, plus de 10%  et que toute présence de bore dans un matériau à des dosages supérieurs à  4,5% est interdit par la directive REACH, sauf à prévenir les utilisateurs de la dangerosité du produit car le bore est assimilable  par nos organismes et il a des effets reprotoxiques. Ces effets s’attaquent aux appareils reproducteurs des animaux à sang chaud.

Au final, que penser de la laine de verre?

Que penser de ce qu’en disait un des fabricants majeurs, il y a quelques mois pour le lancement de sa nouvelle laine de verre :

La laine de verre, elle est tellement révolutionnaire qu’elle en devient intéressante !

Que comprendre :
– du fait qu’elle est révolutionnaire, elle devient maintenant intéressante…
– donc, avant qu’elle devienne révolutionnaire, elle n’était pas intéressante ?
– alors, pourquoi en avoir autant vendu ?

Récapitulons :

Les avantages de laine de verre

  • bon lambda,
  • incombustible,
  • ne présente plus de risque de cancer de la plèvre,
  • hydrophobe,
  • peu chère,
  • disponible partout,
  • mise en œuvre connue,
  • utilisation couverte par divers DTU,
  • grande disponibilité au niveau de la ressource,

Les défauts de la laine de verre

  • déphasage médiocre,
  • protection très aléatoire contre la propagation des incendies,
  • incapacité à gérer de la vapeur d’eau l’hiver sans perte de pouvoir isolant,
  • très énergivore dans son cycle de vie,
  • peu rentable à recycler et donc … très peu recyclée,
  • présente des risques sanitaires au plan reprotoxicité,
  • irritation de la peau au contact,
  • irritation des voies respiratoires en cas d’inhalation,

S’il n’est pas question, ici en tout cas, de dénigrer la laine minérale de façon systématique comme certains peuvent le pratiquer, il n’est pas question, non plus, de l’encenser comme d’autres le font !

Au-delà de ce que nous venons d’analyser et qui montre que cet isolant, certes correct, n’est, avec certitude, pas la star prétendue. Certains fabricants nous présentent cependant des innovations récentes, aussi révolutionnaires que le changement de couleur, comme de véritables évolutions.

Afin d’être le plus exhaustif possible, nous vous proposerons prochainement un article traitant des nouveautés annoncées sur la laine de verre dans notre rubrique dé-greenwashing.  Cette rubrique peut déjà vous donner un petit éclairage de ce que nous en pensons.

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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  1. Merci pour cet article très éclairant, je suis à 3 semaines de signer l'achat d'une ancienne colonie de vacance, faite dans un ancien baraquement ouvrier, planches de mélèzes horizontales à l'extérieure doublées d'un lambris sapin vertical à l'intérieur.
    pas de possibilité d'une isolation extérieure, nous pensons donc faire isolation laine de verre, par-vapeur, lambrissage sapin laqué blanc intérieur
    avez-vous une meilleures idée, sachant que c'est un bâtiment de 25 mètres sur 7,5 m
    merci et salutations

    1. Bonjour,

      La laine de verre n’est, selon Claude, pas une bonne option. Vous devez très certainement avoir d’autres options, toutefois, sans voir le bien dans son ensemble, il est très difficile de répondre.
      Je vous invite à faire appel à un Habitologue formé et certifié par Claude, qui saura répondre à vos questions et vous explique comment fonctionne ce bâti dans son ensemble.

      Bon courage pour ce projet,
      Bien cordialement

      Avec nos excuses pour cette réponse tardive,

  2. Bonjour papy Claude ,
    Pouvez vous me renseigner des habitologues en Belgique , particulièrement en région wallonne du côté de Namur merci.
    Cordialement Bruno.

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