Qui n’est pas à la recherche du meilleur produit pour répondre à ses besoins ? Nos maisons et notre souci d’isolation n’y échappent pas, isoler les combles étant, par nature, le 1er besoin. Si, en plus d’être performant, ce produit isolant est durable, renouvelable, recyclable, confortable, alors c’est le top.
Comme probablement beaucoup d’autres, nous avons été attirés par l’un de ces produits présenté comme le nec plus ultra : ISOtextil (pdf). Qualifié de “Meilleur des isolants” par ses promoteurs, ISOcomble, lesquels se revendiquent N°1 français de l’isolation soufflée en combles, il nous a semblé nécessaire d’analyser ces dires et promesses.
Nous avons découvert que cet isolant est fabriqué à base de coton, bon départ à nos yeux : recyclage, origine textile et indirectement végétale, donc renouvelable, bonnes capacités de gestion de la vapeur d’eau, bon déphasage … Une si belle mariée ne pouvait qu’attiser notre intérêt. Comme d’habitude, nous allons essayer de trier le bon grain de l’ivraie !
Nous avons pris le parti de ne nous intéresser qu’à l’isolant.
La présentation du produit ISOtextil
- ISOtextil est performant et durable ;
- Isolant biosourcé sans sel de bore ;
- Utilisation des processus et des produits respectueux de la santé et de l’environnement ;
- Meilleur bilan carbone de tous les isolants ;
- Produit innovant, efficacité prolongée (Garantie 15 ans) ;
- Une nette amélioration du confort d’été grâce à un meilleur déphasage thermique.
ISOtextil est performant et durable
Isolant d’origine végétale, de nature fibreuse et, de ce fait, avec une bonne capacité à piéger de l’air dit alors captif. Son lambda est annoncé dans un certificat ACERMI en date du 19 09 2017 et lui accordant une valeur de 0,046. C’est bien, mais très loin d’être exceptionnel.
Cet isolant est durable : au sens de résister à la putréfaction, pour qu’il y parvienne, il doit, a minima, contenir un biocide car, à notre connaissance, le coton n’a pas, en soi et intrinsèquement des qualités d’imputrescibilité. Idem en ce qui concerne les attaques de certaines vermines telles que les mites.
Ceci posé, sa nature d’isolant à base de fibres végétales lui assure une élasticité rémanente suffisante (vidéo) pour résister à d’éventuelles dégradations dues au gel d’un point de rosée.
Isolant biosourcé sans sel de bore
Cet isolant est biosourcé au sens où ses fibres sont d’origine végétale, donc source entrant dans l’appellation commune du “biosourcé”.
Par contre, pourquoi associer le qualificatif de bio-sourcé avec une précision de non présence de bore ? Serait-ce à dire que cette seule précision en ferait un bio-sourcé ou que, contrairement à d’autres éléments d’origine non biosourcée et qui pourraient se trouver dans des isolants (par exemple ce qu’on dénomme “les adjuvants”), seul le bore ou ses dérivés en interdiraient un classement dans les “biosourcés” ?
Utilisation des process et des produits respectueux de la santé et de l’environnement
Nous sommes surpris des termes DES pour désigner les process et les produits respectueux, un peu comme s’il était possible de se référer à une liste exhaustive.
Nous comprenons cette affirmation comme une sorte de définition qui, comme la présence de sel de bore évoquée ci-dessus, sous-entendrait qu’il y a des process et produits spécifiques, seuls aptes à valider du respect de la santé et de l’environnement. Si tel est le cas, nous aimerions savoir ce que sont ces process et produits.
Meilleur bilan carbone de tous les isolants
Quelle affirmation surprenante ! En effet, sur l’ouvrage, que l’on peut considérer comme une référence en la matière, “Isolation thermique écologique” de JP OLIVA et S COURGET, aux Ed. Terre vivante, on découvre un produit très similaire.
Certes, on peut le considérer différent car provenant d’un autre site et développé par un autre producteur, mais toutefois il est également majoritairement composé de fibres de coton recyclé. Ils lui ont trouvé 1,8 kg CO2eq. A titre de comparaison, (mais comme nous le verrons plus loin, cette matière ne leur semble pas très valable) la ouate de cellulose y est gratifiée, pour une même destination (vrac soufflé en combles) de -5,46 kg CO2eq et le liège expansé de -42,25 kg CO2eq.
Si, toujours en suivant les préconisations de cet ouvrage et les données énumérées, nous ramenons aux matériels nécessaires par m2 pour une isolation d’un R = 6, nous arrivons à :
- ISOtextil : 6 x 0,046 (lambda) x 1,2 (tassement) x 14 kg/m3 x 1,8 CO2eq = 8,34 kg CO2eq ;
- Ouate : 6 x 0,039 (lambda) x 1,2 (tassement) x 30 kg/m3 x (-5,46) kg CO2eq = -45,99 kg CO2eq ;
- Liège : 6 x 0,042 (lambda le plus défavorable) x 85 kg/m3 (moyen) x (-42,25) kg CO2eq = -904,99 kg CO2eq.
Si, effectivement, ISOtextil est le produit nécessitant le moins de kg de matière pour atteindre un R donné, il n’est pas, et de loin, celui qui présente le meilleur bilan carbone. En effet, alors qu’il contribue à l’émission de carbone, les 2 autres en piègent !
Produit innovant, efficacité prolongée
C’est, typiquement, ce que nous qualifierons d’affirmation gratuite.
Produit innovant : en 2008, un concurrent d’ISOtextil obtenait un ATEX (pdf) pour son produit très similaire à ISOtextil. A n’en pas douter, cet ATX faisait suite à des mises en œuvre antérieures. Après plus de 10 ans d’existence, un produit peut-il encore se revendiquer innovant ?
Efficacité prolongée : que veut-on nous expliquer ? Une prolongation s’applique à une période prédéfinie. Il est fait référence à quoi ? Si c’est à la garantie portée à 15 ans, très bien, c’est un plus indéniable.
Une nette amélioration du confort d’été grâce à un meilleur déphasage thermique
Que le déphasage d’été soit bon du fait de la nature du matériau, pour rappel d’origine végétale, nous n’en doutons pas (déphasage : temps nécessaire pour une calorie pour passer d’une face à l’autre au travers d’une paroi).
Une fois de plus il est fait allusion à “mieux que …”
“… Une nette amélioration du confort d’été …” : nous voulons bien l’admettre, mais si amélioration il y a, c’est par rapport à une situation de base, la quelle ? Quelle épaisseur ? Quel isolant ? Nous n’en savons rien, il nous faut simplement admettre que c’est mieux, mais ceci ne veut rien dire !
“ … un meilleur déphasage thermique …” : même formulation qui nous amène aux mêmes réserves : meilleur déphasage que celui de quel matériau ? Une fois de plus, nous n’en savons rien, une fois de plus, cela ne veut rien dire ! Alors regardons d’un peu plus près : qu’est le déphasage thermique (vidéo) ? Le déphasage dépend de plusieurs critères.
En tout 1er, sa valeur isolante exprimée via son lambda (vidéo). Nous avons déjà vu que s’il n’est pas mauvais, il est loin d’être transcendant : 0,046. A titre de comparaison d’autres isolants biosourcés en affichent de nettement meilleurs, la laine de bois va de 0,037 à 0,040, la ouate de cellulose va de 0,039 à 0,041, le liège expansé va de 0,036 à 0,042 (source : “L’isolation thermique écologique, JP OLIVA, S COURGET, Ed Terre vivante)”. Pour information, plus le lambda est faible, meilleur il est. La fourchette va de 0,026 pour des polyuréthanes à 0,065, valeur au-delà de laquelle un produit n’est plus classable parmi les isolants.
Le 2ème critère est la chaleur spécifique du matériau. Plus elle est grande, plus, à densité et épaisseur équivalentes, le déphasage sera long. La chaleur spécifique du coton est correcte avec, toujours selon le livre “Isolation thermique écologique”, une valeur de 1 400 j/kg.K, celle de la laine de bois est de 1 600 à 2 300 et, enfin, car nous n’avons pas l’intention de passer en revue tous les isolants, la ouate de cellulose affiche de 1 600 à 2 100 j/kg.K.
Le dernier critère est la densité de mise en œuvre. Plus elle est élevée, meilleur est le déphasage. Or, comme nous venons de le constater, ISOtextil est le matériau qui, parmi ceux cités, présente la moindre densité. Ce n’est donc pas là non plus qu’il peut espérer progresser dans ce domaine.
En résumé, pour être performant en déphasage, un matériau isolant doit disposer d’un bon lambda, combiné avec une bonne chaleur spécifique et une densité de mise en œuvre élevée. Or, par rapport à 2 autres isolants de la même famille, la laine de bois et la ouate de cellulose, il est celui qui a le moins bon lambda, la moins bonne chaleur spécifique et la moindre densité de mise en œuvre. Il sera donc, de facto, le moins bon de ces 3 isolants au plan déphasage. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas bon, il est meilleur qu’un isolant minéral, mais d’autres isolants végétaux font mieux.
La présentation de la prestation
Extraits du site (pdf) :
- Intervention propre par l’intérieur ou l’extérieur de l’habitation ;
- Le soufflage répartit l’isolant équitablement et élimine les ponts thermiques dans des combles perdus difficiles d’accès ;
- Idéal en rénovation : sans risque de dépasser les 10 kg/m2 des plafonds suspendus (DTU 25.41) ;
- Des équipes de techniciens formés et qualifiés.
Intervention propre par l’intérieur ou l’extérieur de l’habitation
C’est bien le moins que les propriétaires des maisons attendent de tous les artisans qui viennent travailler chez eux : qu’ils le fassent proprement, et d’où qu’ils opèrent.
Le soufflage répartit l’isolant équitablement et élimine les ponts thermiques dans des combles perdus difficiles d’accès.
Ceci est vrai de tous les isolants soufflés dans les combles.
Idéal en rénovation : sans risque de dépasser les 10 kg/m2 des plafonds suspendus (DTU 25.41)
Effectivement, avec Isotextil, le poids de matériau mis en œuvre est plus faible que celui de beaucoup d’autres isolants. Si c’est un handicap en terme de déphasage, c’est indéniablement un avantage en terme de charge ajoutée sur les matériaux qui supportent cet isolant. Est-ce aussi important qu’on nous le souligne ?
Même si le risque est réel, comme pour d’autres isolants, le metteur en œuvre doit vérifier l’état des combles (charge,… ), renforcer si besoin et adapter ou s’adapter aux contraintes. Cependant, il faudra apporter une preuve de cet état de fait, car nous n’avons pas, malgré notre expérience et quelques recherches sur le sujet, trouvé de cas de déformation ou fissuration..
Par ailleurs, si le DTU 25.41 mis en exergue existe bien, selon un extrait de l’agrément CSTB d’ISOtextil (pdf), il s’applique dans le neuf alors qu’on nous le présente comme s’appliquant dans l’ancien et il est possible de mettre en œuvre des poids volumiques importants. Extrait de l’agrément CSTB, § 2.31 :
“ … Pour les ouvrages neufs, le DTU 25.41 précise, selon la charge maxi- male d’isolant (6, 10 ou 15 kg/m2), le dimensionnement des fixations. Une vérification systématique doit être menée pour vérifier la stabilité de l’ouvrage.”
Des équipes de techniciens formés et qualifiés
Des photographies de chantier, avant et après mise en œuvre du nouvel isolant, laissent peu de doute sur le fait que l’ancien isolant n’a pas été enlevé (vidéo), ce qui est nécessaire (vidéo) pour tirer le meilleur parti possible du nouvel isolant.
soufflage en comble isotextil avant-apres
Pourtant, tel que nous le voyons sur la photo de gauche, l’ancien isolant était posé avec pare-vapeur sur le dessus, c’est à dire à l’envers et que, donc, il y a là quasi certitude de dégradation de cet ancien isolant. Une vidéo maison, intitulée ISOcomble France vient, si besoin était, confirmer ce mode opératoire.
ISO textil VS ouate de cellulose
Petit bonus que nous propose le distributeur dans son site web, un Versus de deux produits : ouate de cellulose contre Isotextil.
Nous ne reviendrons pas sur les arguments et/ou points déjà évoqués ci-dessus. Cependant nous ne pouvons pas taire certaines allégations sur et autour de la ouate de cellulose, particulièrement en ce qui concerne la dangerosité évoquée de ce produit et les aventures et mésaventures qui auraient, si on en croit cette page du site ISOcomble, entaché la ouate de cellulose.
“ …Ce qu’il faut savoir : malgré ses performances techniques, la ouate de cellulose est entachée d’un fort soupçon de nocivité pour l’homme à cause de son adjuvant, le sel de bore. Ce dernier a été interdit en 2012 puis réintégré sur le marché européen à condition d’être en-dessous de 5.5% .”
S’ensuit un focus qui emmène sur un développement sur et autour de ce qu’est ou serait la directive REACH.
FOCUS : « Sel de bore, risques & réglementation »
Extrait de ce focus :
“ISOtextil N’EST PAS RÉPERTORIÉ REACH car IL NE CONTIENT PAS DE SEL DE BORE OU D’ACIDE BORIQUE.
Concernant ISOtextil et son traitement ignifuge il n’y a donc aucun danger potentiel et aucun adjuvant aux effets controversés sur la santé. Un produit sain pour une maison saine, soyez-en assurés !”
Plutôt que développer ici ce qui pourrait être interprété comme une polémique, nous renvoyons le lecteur vers 2 articles publiés ici sur et autour de la ouate de cellulose, l’un, version courte, intitulé “La ouate de cellulose, un isolant pertinent ?” et l’autre, version longue, intitulé “Tout savoir sur la ouate de cellulose”
Nous pensons qu’il est de notre devoir de porter un ou deux points à la connaissance du public et de rappeler que, si la filière ouate de cellulose a connu quelques difficultés alors, c’est bien parce qu’on lui a retiré ses agréments techniques pour tout produit qui contiendrait du sel de bore (à ce sujet, un rapport d’une commission paritaire chambre des députés et sénat, intitulé “Rapport provisoire sur les freins réglementaires à l’innovation en matières d’économies d’énergies dans le bâtiment” (pdf) éclaire assez bien la chose).
Comme le présente le rapport sus-indiqué, s’en sont suivis pas mal de péripéties qui ont abouti au remplacement du sel de bore dans la ouate de cellulose par des polyphosphates d’ammonium. Ceci est assez clairement présenté dans un site de l’ECIMA, le syndicat des producteurs de ouate de cellulose.
A la fin des fins, il a été interdit de produire ou commercialiser de la ouate de cellulose contenant des polyphosphates d’ammonium, ceci par arrêté ministériel (pdf).
Revenons à ISOtextil et plus particulièrement son agrément CSTB. Nouvel extrait du § 3.1 de cet agrément, tiré des déclarations du fabricant au CSTB :
“ …La composition du produit à température ambiante est de : 88 % massique de fibres textiles à majorité coton (> 70 %) ; 12 % massique d’adjuvants (ignifugeant à base de sels d’ammonium et biocide) …”
Et si les mêmes causes produisaient les même effets ?
Nous n’en n’avons aucune certitude, mais si cet adjuvant à base de sel d’ammonium, dans quelque isolant végétal que ce soit, produisait les mêmes effets que dans la ouate de cellulose ? Qu’adviendrait-il si les conditions de mise en œuvre et d’exploitation qui ont déclenché les émanations d’ammoniac avec la ouate de cellulose étaient réunies dans le cadre d’une mise en œuvre d’ISOtextil ?
… Nous ne souhaitons à personne de vivre ce que la filière ouate de cellulose a vécu à l’époque, pas plus aux fabricants qu’aux applicateurs, mais notre pensée va encore plus particulièrement vers les utilisateurs, ceux qui, en toute confiance, font isoler leur maison.
Notre conclusion
Nous espérions découvrir un produit exceptionnel, nous avons en fait découvert un produit, certes intéressant, mais somme toute et malgré les affirmations de ses promoteurs, assez banal. Il nous semble important de prévenir les éventuels futurs acheteurs de ce produit que, loin d’être mauvais, il n’est pas aussi extraordinaire et vert qu’on veut le faire croire. Nous somme obligés, compte tenu des découvertes, particulièrement la présence de sels d’ammonium, de l’admettre : nous sommes, globalement, face à un Greenwashing.
Photos et illustrations : IsoComble