Tel que nous l’avons déjà abordé, ici la plupart des occupants ou propriétaires d’habitats qui font réaliser des travaux d’amélioration ont pour objectif principal la recherche d’un bon confort.
Pour y parvenir, ils font soit réaliser soit améliorer l’isolation.
Ils y sont incités par le paradigme général que nous avons dénoncé de nombreuses fois dans ces colonnes. Celui-ci est très largement appliqué du fait d’incitations diverses qui vont des normes applicables aux aides fiscales et aux subventions diverses.
Cependant le seul critère pris en compte pour l’isolation est le lambda, lequel est combiné avec l’épaisseur pour calculer la résistance thermique R ciblée.
Or de nombreux autres critères sont importants.
Nous avons traité des modes de migration des calories ainsi que de la chaleur spécifique et de l’une des conséquences dont il est en partie responsable, le déphasage, dans notre précédent article.
Ce présent traite des autres critères et capacités des isolants dont il faut tenir compte.
Préalable
Nous avons, dans une précédente communication, fait un parallèle entre les modes de protection contre le froid et de recherche d’un bon confort que nous mettons en œuvre pour protéger notre corps.
Pour rappel, nous nous protégeons du froid via un pull. Nous lui adjoignons un coupe-vent pour nous protéger des bourrasques et un t-shirt pour gérer notre transpiration.
Un extrait de cet article résume bien ce que nous devrions faire pour que nos habitats soient aussi performants et confortables que nos habillements :
❮ Le traitement thermique de nos habitats relève du même process : le coupe-vent devient la peau extérieure (parement, membrane d’étanchéification partielle, structure de la paroi elle-même (mur extérieur par exemple), le pull est remplacé par l’isolant et le t-shirt par la membrane pare-vapeur… Les tremblements sont remplacés par le démarrage du système de chauffage.
Tout comme les pulls peuvent être en laines véritables (aussi variables que du cachemire, de la laine de mouton ou de l’alpaga) ou en fibres synthétiques, toutes avec des capacités variables, les isolants, selon leur composition, selon les techniques de fabrications, ont des capacités différentes … et donc permettent de lutter plus ou moins efficacement contre les fuites de calories.
Plus important encore : ils ne permettent pas tous d’accéder au même niveau de confort … et donc, selon le niveau ciblé, il faudra chauffer plus ou moins pour compenser…
Nous savons que tous les critères ne peuvent pas se retrouver en même temps au top, dans un même isolant … sinon probablement que nous l’utiliserions tous, sauf peut-être par défaut de disponibilité.
Alors nous avons décidé de les décrire et expliquer sommairement ce qu’ils apportent.
A chacun, ensuite, en son âme et conscience et, peut-être, mieux informé, d’opérer son(ses) choix.
Diffusivité
Nous avons déjà abordé ce sujet ici, dans un article qui traite de ce que nous avons qualifié de grandes oubliées : “les grandes oubliées : diffusivité, effusivité”.
(Aparté : ces deux capacités, effusivité et diffusivité, en plus de ce qu’elles apportent aux isolants, sont également très importantes pour tous les matériaux de parement.)
Plutôt que tout réécrire, nous vous proposons un extrait de cette publication antérieure :
❮ Une des définitions à la fois juste et simple de la diffusivité que nous ayons découverte en dit ce qui suit :
“La diffusivité thermique est une grandeur physique qui caractérise la capacité d’un matériau continu à transmettre un signal de température d’un point à un autre de ce matériau. Elle dépend de la capacité du matériau à conduire la chaleur (sa conductivité thermique) et de sa capacité à stocker la chaleur (capacité thermique). La diffusivité thermique est fréquemment désignée par les lettres a, D ou la lettre grecque α.”
Dit autrement et encore plus simplement, elle exprime la vitesse de déplacement d’une calorie dans un matériau continu.
Plus sa valeur est petite pour un matériau donné, moins vite la chaleur s’y déplace … et comme une calorie ne peut être à la fois en deux points différents, si elle se déplace lentement, cela signifie que :
- l’hiver, elle stagne plus longtemps du côté d’où elle provient, c’est à dire l’intérieur,
- l’été, elle demeure assez longuement du côté d’où elle provient : l’extérieur.
Dommage qu’on ne lui prête pas plus attention : elle permet de sélectionner des matériaux qui retiennent les calories là où on le souhaite : à l’intérieur l’hiver et à l’extérieur l’été. ❯
Effusivité
De même que pour la diffusivité, nous vous proposons un extrait d’un article déjà publié ici.
Une définition simple et juste de l’effusivité, extraite d’un site marchand, ce que nous faisons rarement mais la qualité de ses approches nous y a incité :
L’effusivité caractérise la sensation de chaud ou de froid que donne un matériau. Si la valeur d’effusivité est élevée, le matériau absorbe rapidement beaucoup d’énergie sans se réchauffer notablement en surface (métal, pierre, faïence…). A l’inverse une valeur d’effusivité faible indique que le matériau se réchauffe rapidement en surface en absorbant peu de chaleur (isolant, bois…).”
Dit autrement : en présence d’un matériau à faible effusivité tout rayonnement qui vient frapper sa surface est capté. L’énergie dégagée par sa captation est transformée en chaleur et, du fait de sa faible effusivité, non transportée vers l’intérieur du matériau, ce qui provoque la montée en température de sa surface exposée.
Cette température de surface élevée engendre un rayonnement important, lequel provoque un ressenti de confort.
L’hiver, plus la valeur de l’effusivité d’un matériau est petite, meilleure est cette réaction et donc plus ce matériau choisi contribue à limiter la convection car la surface de l’élément étant plus chaude, l’air intérieur chaud s’y refroidira moins … ❯
Réflexion physique, réfléchissement
Nous avons publié ici un article dédié au traitement des performances réelles des Isolants Minces Réflecteurs (IMR). Nous rappelons donc sommairement les principes du réfléchissement des rayonnements.
Tout rayonnement lumineux se déplace librement et en ligne droite, sauf à être très légèrement dévié sous l’effet de la gravitation (vaste sujet que nous n’aborderons pas ici !).
Lorsqu’il est capté, l’énergie qu’il contient est dissipée sous forme de chaleur, laquelle est alors instantanément transmise au corps qui l’a arrêté.
– C’est selon ces règles que le soleil réchauffe la terre et/ou tout corps qui y est exposé … –
Parfois il est intéressant de capter ces rayonnements (l’hiver, pour chauffer l’intérieur des maisons au travers des menuiseries vitrées, pour produire de l’eau chaude via des panneaux thermiques hydrauliques…).
Parfois il est intéressant de les renvoyer (l’été pour éviter que le soleil surchauffe nos habitats, l’hiver pour garder les infrarouges (à notre profit) dans nos habitats…).
Le renvoi du rayonnement par des éléments réflecteurs est un principe théorique intéressant. Cependant attendu que nous vivons dans une atmosphère susceptible de transmettre les calories via de la convection et de la conduction, il est nécessaire de contrer ces deux réalités physiques en adjoignant aux IMR un ou des systèmes susceptibles de piéger de l’air et le rendre captif (soit par des “chambres d’air” le rendant captif et stable, soit par combinaison avec un isolant conventionnel doté d’un bon lambda).
Une autre solution consiste à doter de capacités de renvoi de rayonnement un isolant déjà doté d’un bon lambda.
Perméance
C’est la possibilité de transfert de l’eau au travers d’un matériau ou d’une paroi.
Nous produisons de la vapeur d’eau dans nos habitats du fait de notre métabolisme et du fait de nos activités.
Le niveau de teneur de la vapeur d’eau est très important pour le ressenti de confort, il faut donc en favoriser la gestion. Le renouvellement d’air l’assure à titre principal. Il peut être très utilement aidé par l’évacuation d’une partie de la vapeur d’eau au travers des parois extérieures.
Les remontées capillaires contribuent aussi à apporter de l’eau dans les bâtis. Parfois celle-ci est évacuée après migration au travers de l’isolant et des parements.
Il peut être important de sélectionner des isolants dotés de bonnes capacités dans ce domaine.
La valeur qui permet de calculer cette faculté de transfert est le Mu ( ∏ ). Combinée avec l’épaisseur elle permet d’établir la valeur Sd (Spraying diffusion) ; l’unité correspond à des équivalences d’épaisseur d’air exprimées en mètre.
Plus un isolant est fermé au transfert de l’eau, plus on le dit étanche et plus sa valeur Sd est élevée. Au-delà d’un Sd de 100, le flux d’eau est tellement faible qu’on considère le matériau étanche.
Ne pas prendre la perméance en considération ou ne pas compenser sa faiblesse par un renouvellement d’air sérieux, c’est prendre le risque d’importantes pathologies pour nous-mêmes et pour le bâti (pas les mêmes bien sûr !)
Sa gestion peut être nettement améliorée avec un pare-vapeur.
Ce qu’il faut en retenir c’est que la perméance réduit les risques de condensation aux points éloignés des mouvements de renouvellement d’air (particulièrement aux angles des parois extérieure) et favorise l’assèchement des murs extérieurs.
Sorption, désorption
Il s’agit des capacités d’un matériau à se charger des molécules d’un gaz ou d’un liquide, ici de l’eau, et à les restituer. Nous vous proposons, pour imager ces phénomènes, un lien vers une étude de la sorption, désorption d’eau dans de l’argile, lequel n’est bien sûr pas un isolant, mais cette étude permet de comprendre les processus en action. Wikipédia en fait une présentation à la fois plus simple et plus sommaire.
Ces possibilités permettent de gérer au mieux les teneurs en vapeur d’eau dans les pièces isolées et dans l’isolant lui-même.
En plus de la perméance décrite ci-avant, laquelle favorise le transfert de l’eau, ces capacités de sorption et désorption permettent, à teneur équivalente en eau dans un isolant, de retarder l’apparition du point de rosée. Celui-ci est une véritable catastrophe pour les performances des isolants puisque, au moins pour partie, l’air captif initial est alors remplacé par de l’eau liquide.
Bien évidemment cette substitution change beaucoup de choses.
Qu’en retenir ? Un matériau à fortes capacités de sorption et désorption retardera considérablement l’apparition du point de rosée et contribuera au maintien de l’humidité relative à un niveau favorable aux ressentis de confort.
Lambda
Selon le paradigme actuel, de façon non justifiée mais c’est un fait, le lambda est la valeur “phare” de caractérisation d’un matériau isolant. Pour tout dire, c’est quasiment la seule prise en compte pour les calculs de consommation ultérieure de chauffage.
Malheureusement elle n’a qu’une très faible influence sur le niveau de confort d’un habitat.
Elle est représentative de la conduction et s’exprime en Watt (unité de puissance) par mètre (unité de longueur) par kelvin (K) (unité de température).
Dit un peu différemment, cette valeur représente la quantité d’énergie (chaleur) transférée par unité de surface et de temps en présence d’une différence de température déterminée par mètre.
Par contre, des écrits qui semblent bien sourcés mettent en avant le fait que le lambda est difficilement mesurable ou, en tout cas, peu fiable dans les hautes températures. Ceci semble d’ailleurs avoir été constaté dans une affaire ayant opposé des producteurs de laine minérale et un producteur d’IMR.
Les appareils de mesure (entre autres les lambdamètres utilisés dans les laboratoires) permettraient donc de quantifier, de façon assez fiable, le lambda d’un matériau de 2 à 200 K, au mieux jusqu’à 300 K. C’est à dire, au mieux, en équivalence de degrés Celsius : de – 271 °C à + 27 °C.
Autant dire que pour apprécier les transferts l’hiver, le lambda semble une valeur quasi parfaite.
Par contre, l’été, il en va tout autrement puisque les valeurs annoncées ne seraient plus “fiables” au-delà de +27 °C !
Or nous sommes et serons de plus en plus confrontés à des problématiques de canicule ou, à tout le moins, de températures élevées sur des périodes de plus en plus longues.
En tenant de compte des “doutes” ou “possibles imprécisions” précédentes, que peut-on déduire ?
Nous allons nous en tenir à ce qui semble “relativement sûr”.
Nous ne sommes pas physicien et ne prétendons pas démontrer quoi que ce soit, cependant, par précaution, nous pensons que, pour l’été, il est mieux de s’appuyer sur la diffusivité d’un isolant que sur le lambda.
La diffusivité, comme développé ci-avant, dépend de la conductivité (lambda), donc de ce point de vue, rien de mieux, mais aussi de sa chaleur spécifique, ce qui pour le coup peut permettre des choix.
Nous conseillons donc, pour l’hiver, de choisir des isolants à bonne capacité en terme de lambda et, pour l’été, des isolants à forte capacité en chaleur spécifique (cf paragraphe diffusivité ci-avant). L’idéal étant, bien sûr, des matériaux correctement dotés de ces deux caractéristiques.
Faute d’y parvenir, il peut être intéressant d’en combiner deux chacun doté de l’un d’eux.
Pour être le plus exhaustifs possible, attendu que le lambda est aussi dépendant de l’humidité relative de l’isolant et de la pression à laquelle il est exposé, nous conseillons aussi de choisir des matériaux à bonne capacité de sorption et désorption, ce que nous avons abordé sommairement ci-avant.
Nous conseillons aussi de veiller à bien gérer les flux de vapeur et les risques de condensation, sujets déjà décrits ici, ainsi que de prévoir des mises en œuvre assurant des conditions de stabilité de pressions les plus basses possibles, ce que nous aborderons dans un autre article.
Conclusion
Dans l’article précédent sur les critères déterminants pour qualifier les isolants, nous avons rappelé les modes de transfert de calories.
Nous y avons aussi développé ce qu’est la chaleur spécifique et ce en quoi elle est primordiale dans le choix d’un isolant.
Le présent article nous a permis d’aborder la diffusivité et l’effusivité, qualifiées ailleurs de “grandes oubliées”, la réflexion physique du rayonnement, les capacités de gestion de la vapeur d’eau, cette dernière étant déterminante pour la stabilité des capacités isolantes d’un produit.
Il apparaît que l’isolation, souvent considérée comme une opération très simple, tant dans le choix des isolants que dans leur mise en œuvre est loin de l’être.
Des systèmes complémentaires sont de plus en plus imposés, lesquels contribuent à l’amélioration globale des performances isolantes et de confort de nos habitats.
C’est heureux que ces évolutions soient apparues, dommage que nous ayons tellement tardé à les imposer car de nombreuses réalisations n’ont pas été exécutées aussi bien qu’elles auraient dû l’être.
Nous espérons que notre série d’articles traitant de l’isolation aidera à orienter les travaux vers des pistes encore trop peu pratiquées, à savoir que l’isolation permet de chauffer à moindre coût mais n’apporte que très peu au plan du confort. Nous avons abordé ce sujet via de nombreux articles dont vous pouvez trouver les liens ici.
Il est des points ou spécifications que nous n’avons pas encore abordés ici.
Ils relèvent d’autres aspects ou d’autres impacts plus ou moins importants rendus au bâtiment, à ses occupants ou à l’environnement, mais qu’il ne faut pas négliger.
Nous pensons entre autres à l’origine des isolants (fossile ou renouvelable), à la consommation d’énergie qui est nécessaire à leur fabrication et mise en œuvre ainsi que leur faculté à être recyclés.
Nous aborderons ultérieurement tous ces points connexes, mais eux aussi très importants.
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