L’immense majorité des propriétaires et/ou occupants de logements qui souhaitent faire réaliser des travaux déclarent les envisager principalement pour la recherche de confort.
Pourtant le législateur a privilégié la thermie et l’efficacité énergétique, ceci sous l’angle de l’isolation et du changement de système de chauffage.
Les autorités de tutelle, chez nous, en France, mais aussi dans nombre de pays voisins, ont émis des réglementations allant dans ce sens, des associations ont mis sur pied des labels divers et nombreux, toujours allant dans ces directions, citons par exemple, venues d’Allemagne, les PassivHaus; venant de Suisse, les divers niveaux de Minergie; de France, via le législateur, la RT2012; via Effinergie, les labels BBC Effinergie, Bepos Effinergie, Bepos+ Effinergie; via Promotelec, Label Performance …
Nous avons connu les labels HPE, HPE ENR, THPE …
Actuellement, le nec plus ultra est le label E+C-, base, nous dit-on, de la future législation (RT2020 ?), celle qui succèdera à la RT2012 … Nous avons déjà décortiqué ici en quoi ce label E+C- nous semble pour le moins sujet à controverse.
Les listes ci-avant présentent les principales législations ou les principaux labels qui ont régi ou qui régissent encore les obligations ou conseils entourant l’acte de construire ou celui de rénover, ceci pour l’aspect thermique.
Et c’est bien ce qui nous gêne : l’aspect thermique est abordé, plus même, il est l’objet de toutes les attentions, ce qui est bien en soi, mais est-ce suffisant ? Pour revenir à l’objectif N° 1 des occupants, où en est l’aspect confort ?
Après avoir décortiqué dans d’autres articles en quoi nous faisons fausse route (ou en tout cas le fait que nous limitons trop les pistes), après avoir décortiqué les critères d’accès au confort, après avoir développé les 2 capacités des matériaux insuffisamment exploitées (diffusivité et effusivité), nous allons, au fil de cet article, avancer encore dans cette “série” en mettant en exergue les capacités et/ou qualités des bâtis existants ou à construire trop peu exploités, voir parfois contournés.
Nous conclurons cette série par des exemples de chantiers “génériques”.
Rappel des modes de perte de calories (sources d’inconfort)
Nous avons déjà abordé de nombreuses fois les modes de perte de calories. Nous parlons bien de celles de notre organisme, pas de celles de nos habitats ou autres bâtiments.
Nous vous renvoyons donc vers ces supports et ne faisons ici qu’un rappel très sommaire de ces données. L’article le plus explicite à ce sujet est “Confort dans l’habitat, comment y parvenir ½”.
Sommaire
Selon Agnes Sommet, docteur en pharmacologie, pharmacologue au CHU de Toulouse, maître de conférence à la faculté de médecine, les pertes s’opèrent ainsi :
- radiation, émission sous forme de rayonnement (vidéo) : 60%
- convection (vidéo) : 15%
- conduction (vidéo) : 3%
- évaporation de la sudation : 22%
La seule observation que nous souhaitons souligner est que presque les ⅔ de ces pertes s’opèrent par l’effet du rayonnement (infrarouges).
Rappel des critères du confort thermique dans la maison
Là aussi, nous avons largement abordé ces sujets dans d’autres articles et, là aussi, nous ne ferons qu’un rappel très sommaire de ces informations.
Teneur en eau
Le confort se situe dans une fourchette de 40 à 60% d’humidité relative.
Pour maintenir l’air ambiant dans ces valeurs, il faut le renouveler et viser une teneur absolue en eau dans l’air ambiant aux environs de 7 grammes (soit l’équivalent d’un verre dit “verre à liqueur ou à alcool”) par Kg d’air (environ 0,8 m3 d’air).
Éradication des courants d’air
Pour qu’un renouvellement d’air soit efficace, il faut en maîtriser le volume, ce qui passe par l’éradication des fuites parasites, donc réalisation d’une étanchéité correcte au vent.
Stabilité de la température
Notre organisme n’aime pas les variations rapides de température, il faut donc la stabiliser en privilégiant des matériaux dotés d’une bonne capacité thermique massique et donc apportant de l’inertie.
Diffusivité
Afin de stabiliser la température des surfaces intérieures des parois extérieures, il faut privilégier les matériaux dotés d’une diffusivité faible, c’est à dire une captation faible des calories dans la masse des éléments.
Comme pour les autres qualités énoncées ci-après, nous vous conseillons la consultation de notre tableau dédié. Nous y avons inclu les valeurs d’une centaine de matériaux de base représentatifs de l’immense majorité de ce que nous trouvons dans nos bâtis.
Effusivité
Afin de disposer d’un rayonnement intéressant au droit des surfaces des différents éléments constituant un habitat ou y étant présents, il faut privilégier des matériaux à faible effusivité, c’est à dire qui se réchauffent rapidement au contact de l’air ambiant et donc émettent un rayonnement infrarouge relativement élevé (si les calories captées n’ont pas été “consommées” ou “évacuées” par un autre matériau derrière …).
Déphasage
Il s’agit de la vitesse de transfert des calories d’une face d’un matériau vers l’autre face. Plus un matériau est doté d’un déphasage (vidéo) important, moins vite les calories s’y déplacent.
Idéalement il faut viser une valeur globale supérieure à 10 heures, si possible atteindre 12 heures, au-delà il n’y a plus de gain.
Inertie
La présence de matériaux à forte inertie favorise la stabilité de la température évoquée ci-avant. L’inertie est liée à la capacité thermique massique et à la densité des matériaux.
Attention cependant à la destination des locaux, s’il s’agit d’une résidence principale, c’est parfait, s’il s’agit d’un bâtiment exploité tous les jours sur des périodes longues, un magasin par exemple, c’est encore très bien. Si par contre il s’agit d’un bâtiment tertiaire exploité 5 jours sur 7, pendant 8 ou 10 heures, s’il s’agit d’une cantine scolaire exploitée 3 heures par jour 5 jours par semaine, 4 semaines sur 5, ça l’est déjà beaucoup moins … et que penser s’il s’agit d’une résidence secondaire qui sera exploitée 2 jours par semaine ?
Elle risque d’être à bonne température du dimanche midi au mardi soir mais pour une présence du vendredi soir au dimanche soir !
Isolation
C’est ce qu’exprime la valeur Lambda. L’isolation permet de limiter la quantité de calories qui fuient au travers d’une paroi. Cette valeur est donc importante, particulièrement pour la limitation de consommation d’énergie, source d’économie financière et de limitation de tous effets négatifs propres à influer sur le dérèglement climatique. Ce qui est très dommage, c’est que la législation et la communication des grands groupes nous poussent à croire qu’il n’y a pas de salut hors cette qualité, pire encore, qu’à elle seule elle pourrait nous sauver !
Pour autant, tous les isolants, au-delà de leur lambda, n’ont pas les mêmes performances lorsqu’on les appréhende dans la globalité de leurs qualités et limites. celles ci peuvent varier selon d’autres critères, leur perspirance, sans oublier les ressources mobilisées, les atteintes à la planète, le respect de l’environnement en général, de celui des occupants en particulier, l’innocuité au plan sanitaire, la sécurité des occupants ou encore leur recyclabilité …
Quels sont les atouts et contraintes non pris en compte, particulièrement dans l’ancien
Toute technique de construction est porteuse d’avantages et d’inconvénients. Ceci est vrai aussi bien pour le neuf que pour l’ancien.
En ce qui concerne le neuf, les choses, si on les accepte, sont plus simples : la page est blanche, chacun peut donc l’écrire selon ses aspirations et priorités.
Il sera possible d’y intégrer les avantages rencontrés dans l’ancien et d’éviter les inconvénients dont il peut être entaché.
Nous faisons donc le choix d’aborder les avantages et les inconvénients sous l’angle de l’ancien, car, comme on dit : “il est comme il est et nous devons faire avec …”.
Ce qui lui est applicable l’est bien évidemment pour le neuf.
Le déphasage des murs
Le déphasage est un des points qui suscite le plus de débats. Certains en contestent encore la réalité même. Nous ne comprenons pas cette positon, elle frise le ridicule, pour ne pas être plus méchant. En effet, on le connaît bien, il a été analysé il y a longtemps et les équations qui permettent de le calculer sont connues. Quiconque ayant la moindre objectivité peut le calculer.
Pour découvrir son fonctionnement, nous vous conseillons une vidéo que nous avons commises à son sujet il y a déjà quelque temps.
Nous vous recommandons à nouveau notre tableau, non exhaustif, dans lequel nous avons repris ou calculé diverses valeurs concernant un panel de matériaux assez représentatifs de tout ce qui est ou a été utilisé dans le bâtiment.
Le déphasage est particulièrement important l’été et, vu les évolutions climatiques prévues, il va devenir nécessaire de le prendre sérieusement en compte.
Toutes les parois extérieures exposées au rayonnement direct du soleil sont concernées.
Autant dire que pour le sol, il n’est pas prépondérant.
Il est également assez peu important pour les parois Nord ou pour des parois enterrées, tel que dans des Earthships par exemple.
Pour des parois exposées à l’Est, l’incidence est assez faible car le rayonnement du matin est de moindre puissance (une partie du rayonnement est “consommée” par le sol, les arbres et tous autres éléments extérieurs qui se sont refroidis pendant la nuit).
Les parois exposées au Sud et à l’Ouest, pour ce qui concerne la verticalité, sont les plus sensibles au déphasage et pour lesquelles il faudra soigner ce point (création d’écrans naturels, ajout de “casquettes” architecturales pour créer des zones d’ombre, …).
Les parois les plus exposées sont, bien évidemment, celles qui constituent le toit, qu’elles soient horizontales (les toits dits “plats” sont les plus sensibles au déphasage), en pente ou en dôme. (A noter que le principe du dôme est celui qui permet de capter le moins d’énergie par rayonnement solaire : en tout temps, un seul point est exposé directement au soleil. En plus, le volume intérieur qu’il engendre est un très bon piège à chaleur).
Une fois connues les expositions, donc les risques de forte montée en température l’été, il faut traiter le déphasage et viser, paroi par paroi, à atteindre, a minima 10 heures de déphasage.
Pour les murs, les éléments qui les constituent ont eux-mêmes des capacités dans ce domaine. Il sera ainsi peu probable qu’il faille rajouter quoi que ce soit à ce titre pour améliorer des murs massifs en pierre, pisé ou bauge (cf tableau déjà conseillé).
Par contre, le toit représente bien sûr un point délicat puisque, d’une part, il est très fortement exposé et que, d’autre part, il comporte peu ou pas d’éléments susceptibles de retarder significativement la pénétration des calories. Il faudra donc veiller tout particulièrement au bon choix des matériaux qui y seront intégrés pour l’isoler.
Inertie des murs
L’inertie est une autre qualité importante pour stabiliser la température intérieure d’un habitat. Il faut veiller, dans le neuf, à générer de l’inertie (entre autres dans les maisons dont les parois seront “légères” ou en cas d’isolation par l’intérieur; autre cas de figure : en l’absence de dalle ou autre élément “lourds”).
Le cas des maisons anciennes est, généralement, très différent. Avec leurs murs massifs, elles ne manquent pas d’inertie, loin de là.
Nous avons souvent été en confronté à des choix orientés vers l’isolation par l’extérieur de tels murs sous 2 prétextes, dont l’un est précisément la conservation de l’inertie des murs massifs. Le simple calcul de ce que les murs intérieurs, eux aussi massifs, apportent en capacité de stockage, démontre, à l’évidence, que cet argument n’est pas fondé. Il peut y avoir d’autres raisons pour faire le choix d’une Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE), mais certainement pas celle-là.
Nous avons testé l’implantation de murs massifs (béton de gravier et chaux) dans des maisons à ossature bois, isolées avec de la ouate de cellulose, donc isolant apportant déjà un peu de capacité thermique massique. Nous avons constaté que, dans de telles configurations, entre 800 kg et 1 tonne de matériau à forte inertie par tranche de 10 m2 habitable apportent une excellente stabilisation de la température sur des amplitudes de 24 à 36h00. Il ne semble pas qu’il soit nécessaire de prévoir plus mais que, en restant dans le raisonnable, cela ne sera pas non plus source d’inconfort.
Peu de ponts thermiques
Les ponts thermiques sont souvent cités comme cause importante de fuites de calories et 2ème justification d’une ITE (la 1ère étant citée ci-avant : inertie des murs). Il n’est pas question de les nier, simplement les ramener au juste niveau de ce qu’elles représentent, selon l’ADEME et divers autres organismes : environ 7% du total des fuites.
Alors, en s’attaquant à 7% des fuites, on peut, au mieux, si elles sont éradiquées à 100%, avoir amélioré le rendement global de 7% …
Afin de ne pas avoir à les traiter, il faudrait peut-être déjà éviter de les générer.
Dans les maisons neuves, nous comprenons l’intérêt de l’ITE, nous la comprenons moins dans l’ancien. En effet, sauf pour les maisons de moins de 50 ans, la plupart des autres, lorsqu’elles disposent d’un étage, en sont pourvues grâce à un plancher bois sur solivage … lequel ne génère pas de pont thermique. Nous ne comptons plus le nombre de projets où l’une des 1ères opérations réalisées consiste en son remplacement par une dalle béton qui, elle, par contre, en génère un magnifique … et de nous justifier ainsi une ITE !
Ce qui nous surprend encore plus, c’est que beaucoup de ceux qui préconisent une ITE pour cette raison de la suppression des ponts thermiques oublient leurs sommets, lesquels ne seront généralement pas traités bien qu’ils soient les plus importants de ce que peut compter une maison ancienne. Oubli magistral de l’ITE des murs. Les ponts thermiques des sommets des murs ne seront traités qu’en reprenant l’isolation du toit par l’extérieur, ce qui est une autre opération, rarement couplée avec celle des murs !
Pour en finir avec les ponts thermiques, combien d’ITE sans changer les menuiseries de position. Pour être sérieux dans sa réalisation, toute ITE dans l’ancien devrait s’accompagner du déplacement des menuiseries au nu extérieur des murs, pas de leur conservation en tunnel comme nous le voyons encore trop souvent. Ce sujet a déjà été abordé ici.
Perspirance des murs
La teneur en eau d’un habitat, particulèrement sous forme de vapeur dans l’air ambiant, est un des éléments les plus importants qui soit pour le ressenti de confort.
Elle l’est aussi pour le bâti car pouvant s’y trouver en quantité importante du fait des remontées capillaires ou à cause de la vapeur d’eau que nous générons dans nos habitats eu égard à nos modes de vie contemporains.
Si la gestion de cette eau n’est pas correcte, les murs peuvent s’abîmer, au pire jusqu’à l’effondrement partiel ou total du bâti.
Nous avons, au fil de divers articles, développé en quoi cette mauvaise gestion peut être dommageable, entre autres au travers de celui qui est dédié aux murs en pierre. Ce qui y est décrit s’applique de la même manière à tous les murs massifs anciens.
Nous avons développé ici nos préférences en matière de matériaux et techniques constructives pour les maisons neuves. Un premier est dédié à tout ce qui relève des soubassements et du toit, tant au niveau des matériaux qu’au plan des techniques de mise en œuvre.
L’un des 2 autres décrit les techniques et matériaux que nous déconseillons pour les murs et le troisième celles et ceux que nous préconisons.
S’il est nécessaire d’être rigoureux sur tous le points, nous devons l’être encore plus dans ce domaine car, il faut bien le dire, toute erreur ici se paye un jour, plus ou moins lointain, au prix fort … heureusement pour nous, la nature n’est pas pressée !
Cependant, pressée ou pas, elle fait son œuvre.
Le plus souvent impossibles à mettre dans les équations si chères à tous les organismes de tutelle (parfois, aux bureaux d’études), les effets délétères induits par de mauvais choix le sont tout autant pour les bâtis (rouille des ferrailles, éclatement des bétons, pourrissement des bois …) que pour leurs occupants (moisissures, mauvaises odeurs, allergies, maladies des voies aériennes respiratoires …)…
Remontées capillaires
Nous les avons évoquées ci-avant au niveau de la perspirance des murs. C’est à la fois juste et un peu limite, la perspirance étant plutôt “réservée” dans ses approches, à la migration de la vapeur d’eau générée par nos modes de vie dans nos habitats.
Nous leur consacrons ce paragraphe car si elles peuvent être en partie évacuées par la perspirance, elles le sont encore plus par évaporation suite à la migration par capillarité le longs des murs, tel un liquide le long d’une mèche.
Pour qu’un mur subisse des remontée capillaires, il faut qu’il soit en contact avec le sol, de nature poreuse (voir valeur µ dans notre tableau) et dépourvu de rupteur de remontées capillaires.
Les bâtis anciens y sont très sensibles car ils ne disposent pas de rupteur de remontées capillaires.
Les prendre en compte est donc nécessaire. Elles peuvent y être contrées en limitant leur arrivée (drainage par exemple), sans nuire au mur, ou en permettant leur évacuation.
Nous déconseillons tout système basé sur leur blocage dans les murs car, étant chargées de minéralité, entre autres de nitrate, ces minéraux peuvent avoir des actions très néfastes contre les matériaux dans lesquels ils sont ou seront stockés.
Pour nous, la voie royale consiste en leur évacuation en favorisant leur évaporation le plus rapidement possible, c’est à dire dès les pieds des murs.
Conclusion
Nous venons de lister divers points qui ne sont pas toujours, ou pas assez, pris en compte lors de la programmation de travaux, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien.
La liste pourrait être plus longue, citons le radon, les COV, la provenance des matériaux, leur innocuité au plan sanitaire, les risques qu’ils présentent en cas d’incendie, le recyclage, le respect des traditions locales …
Pour imager les propos ci-avant nous vous proposons, dans d’autres articles, des cas génériques.
Merci à Clément Jamin pour son aide et ses apports.
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