Rappelons tout d’abord que le confort est l’objectif N°1 des français(es) qui souhaitent entreprendre des travaux en vue d’améliorer leur habitat. Cette attente de confort de la part des particuliers est une preuve, si besoin en était, que nous devrions faire plus que la promettre mais la mettre à la portée de tous.
Nous avons développé dans un autre article pourquoi nous pensons que nous faisons fausse route.
Attendu qu’un problème n’a d’intérêt que dans la mesure où il sous-tend une recherche de solution(s), nous avons appliqué ce principe et planché sur des orientations possibles, des solutions.
Nous vous proposons, au fil de cet article, ce que nous préconisons en terme de voies possibles et ce que nous suggérons en terme de solutions pour, à la fois, atteindre le niveau souhaité de confort, respecter les températures légales, consommer peu, orienter les choix vers plus de respect de l’environnement, en général et celui des occupants en particulier, moins de risques sanitaires, plus de respect des bâtis … joli programme que celui-ci !
Quelques rappels rapides
Qu’est-ce que le confort
Selon le dictionnaire Larousse : “Ensemble des commodités, des agréments qui produit le bien-être matériel ; bien-être en résultant”, définition concise et que nous adoptons d’emblée.
Elle présente l’avantage de définir simplement les conditions de son ressenti, à l’opposé de tant de publications, discours et autres publicités qui nous disent ce qu’il faut faire pour l’atteindre. Toutes ces affirmations, souvent péremptoires, répondent soit au respect de la législation; soit à des croyances, idées préconçues; soit à des intérêts économiques; soit à des défenses corporatistes …
Pourrait-il y avoir des liens de cause à effet dans ces diverses (mauvaises) raisons qui justifient ce qui relève de l’affirmation d’un dictat ?
Rien d’impossible, mais nous ne perdrons pas le temps dans des recherches aussi inutiles que sources de polémiques.
Nous avons choisi être constructifs et force de proposition.
Rappel des “pourquoi” de la fausse route
Le ressenti de confort est de plusieurs ordres, allant de la perception visuelle d’un environnement que notre esprit analysera comme inconfortable, à la perte de calories de notre peau en passant par l’analyse des températures des éléments qui nous entourent.
Perception d’un environnement froid
Beaucoup privilégient de créer une ambiance uniformément blanche dans leur habitat, avec ça et là quelques touches foncées pour donner vie à l’ensemble, faisant fi de la colorimétrie : le blanc est une couleur dite froide car ressentie par notre organisme comme telle (lien avec le blanc immaculé d’un paysage hivernal enneigé ?).
Réponses inappropriées aux pertes de calories
Selon Agnes Sommet, docteur en pharmacologie, pharmacologue au CHU de Toulouse, maître de conférence à la faculté de médecine, les pertes s’opèrent par :
- radiation : 60%
- convection : 15%
- conduction : 3%
- évaporation de la sudation : 22%
Quelles solutions choisies et appliquées
Point 1 : radiation (60% des pertes)
C’est la température des parois dont il faudrait se soucier, donc éviter les fuites vers l’extérieur (isolation), capter ces calories (inertie) et les garder en surface (diffusivité) aux fins de générer un rayonnement important (effusivité).
La majorité des matériaux utilisés dans et en surface intérieure de nos parois affichent de piètres performances dans ces domaines.
Nous chauffons très souvent par des systèmes qui réchauffent directement l’air, pas les parois.
Nous confions à l’air (mauvais transmetteur de calories) de chauffer les parois, ce qu’il fait mal bien évidemment.
Point 2 : convection (15% des pertes)
Nous traitons correctement ce point en terme d’étanchéité, respectant les contraintes imposées dans ce domaine par la RT 2012. Elle a entraîné une prise de conscience de l’importance de ce sujet et forcé les acteurs de la construction à se former à sa maîtrise. Ceci a eu pour effet d’engendrer également une progression dans la rénovation de bâti ancien.
Les fuites d’air parasites principales vers l’extérieur sont maintenant maîtrisées, éliminant de facto les courants d’air directs intérieur/extérieur.
Pour réduire encore ces pertes par convection, il faudrait préférer la diffusion de chaleur par rayonnement plutôt que par convection.
Point 3 : conduction (3% des pertes)
Très peu est fait à ce sujet, il faut dire que les pertes générées représentent la partie congrue. La conduction n’a d’effet que lorsque nous nous appuyons contre un élément à température plus faible que notre peau, or la plupart du temps, il y a déjà un protection entre les 2 : nos vêtements.
Point 4 : évaporation, sudation (22% des pertes)
Nous avons déjà de nombreuses fois abordé ici les effets délétères de l’eau sur nos bâtis et sur nous-mêmes.
La présence d’eau en trop forte quantité dans l’air nous incite à augmenter la température ambiante pour compenser l’inconfort. Cette température plus élevée accentue notre sudation. Plus nous avons d’eau sur notre peau, plus nous perdons des calories lorsque celle-ci s’évapore, ce qui est source d’inconfort … Et va nous inciter à chauffer encore plus pour compenser cet inconfort ! Comment dit-on : le chien qui se mord la queue !
Constat global
Nous portons le maximum de notre attention à traiter le point le moins impactant (parmi ceux qu’il faut traiter), la convection.
Nous ne traitons quasiment pas le point le plus impactant, les pertes par radiation.
Nous traitons mal la 2ème source de fuites liées à la sudation.
Nous compensons les défauts ci-dessus évoqués en chauffant, le plus souvent par convection, donc de la façon la moins performante.
Très sincèrement, nous en sommes désolés, mais force est de le dire : difficile de faire plus mal !
Quelle(s) route(s) devrions-nous prendre ?
Travailler sur le rayonnement des parois
Nous devrions bien sûr, autant que faire se peut, limiter les pertes de calories en isolant nos parois extérieures, tel que nous le faisons actuellement. Il faudrait, pour ce faire, sélectionner des matériaux à bonne capacité de diffusivité, or le plus souvent nous faisons l’exact contraire, ce que nous pouvons voir sur notre tableau.
Nous serions bien inspirés de porter nos préférences sur les isolants biosourcés, pas que pour des raisons de performance thermique (vidéo) d’ailleurs, mais aussi par souci pour l’environnement et pour ne pas accentuer le dérèglement climatique (vidéo).
Nous ne devrions pas en faire la solution unique (voir ci-dessous § “Evoluer dans les techniques préconisées”).
Évoluer dans le choix des matériaux
Nous devrions faire le choix de matériaux de surface à bonnes capacités d’effusivité et, si celle-ci est trop faible, la compenser par une épaisseur plus forte ce qui permettrait un stockage de chaleur et apporterait de l’inertie, laquelle compenserait ce manque de performance.
Actuellement, la solution “phare” est la mise en place de feuilles de plâtre cartonné dont l’un des intérêts mis en avant est … sa légèreté !
Nous choisissons des parements les plus minces possible, cumulant ainsi la faible densité et la faible épaisseur. Nous allons ainsi dans la voie inverse à celle qu’il faudrait suivre, à savoir, très peu d’inertie …
Évoluer dans les techniques préconisées
A noter que contre des murs anciens, massifs, des enduits dits “correcteurs d’effusivité”, par exemple à base de chaux/chènevotte de chanvre ou terre/paille, apportent d’excellents résultats en terme de confort.
Bien qu’étant à la limite du classement dans les isolants (voir le livre “L’isolation thermique” de JP Oliva et S Courget aux ed. Terre vivant), ils apportent également d’excellents résultats en terme de besoin de chauffage. Ils avoisinent les résultats de ceux possiblement atteints avec des isolants plus conventionnels sans en entraîner les inconvénients pour ce type de murs.
Mis en œuvre directement en contact avec leur support, bien perméables à la vapeur d’eau, ils en favorisent le transit vers l’extérieur par perspirance.
Ils ont une effusivité très intéressante et favorisent le renvoi des calories par rayonnement.
Leur diffusivité est de très bon niveau, ce qui limite la transmission des calories d’une face vers l’autre, qualité très intéressante aussi bien l’hiver que l’été.
Ils sont dotés de qualités hygroscopiques leur permettant “d’écrêter” les pics d’émission de vapeur d’eau dans l’air.
Porter notre attention sur les points les plus cruciaux
Nous devrions veiller à la bonne gestion de l’humidité relative et nous donner tous moyens d’y parvenir.
Nous avons déjà abordé ce sujet ici et vous proposons quelques articles en complément de celui-ci. Ils sont au nombre de trois, le 1er traite du renouvellement naturel d’air et des VMC simple flux, le 2ème des VMC double flux et de la ventilation par insufflation, le 3ème de ce que nous espérons voir évoluer.
Chauffer différemment
Nous devrions éliminer le plus possible le chauffage par convection pour nous orienter vers des systèmes basés sur le rayonnement.
Nous devrions chauffer les parois extérieures pour qu’elles-mêmes rayonnent ainsi vers l’intérieur.
Nous devrions cesser de vouloir chauffer nos parois via l’air ambiant, lui-même préalablement chauffé mais, comme conseillé ci-avant, confier le chauffage de nos petites personnes (car c’est bien là la cible du confort) par nos parois et leur rayonnement.
Les calculs et les BE
Nous devrions changer de logiciel, de paradigme et arrêter de calculer quasi uniquement les pertes et être obnubilés par l’isolation et ce, uniquement du fait du lambda des isolants.
Après avoir formé des thermiciens (ce que nous avons bien fait), lesquels calculent fort bien ce qu’on leur confie (et que, par ailleurs, à ce jour et du fait de la législation on attend d’eux) nous devrions leur adjoindre une capacité supplémentaire : celle de “conforticiens”.
Il faudrait leur confier des missions de conseil de matériaux et/ou techniques prenant en compte ce que nous avons développé ci-avant.
Vaste programme !
Législation
Nous devrions graver dans le marbre la nécessité de prendre en compte les différents points développés ci-dessus et, enfin, au même titre que l’isolation et son sacro-saint lambda, imposer aussi la prise en compte de l’effusivité, de la diffusivité, du déphasage et de la perméance des parois à la vapeur d’eau.
Nous devrions intégrer une obligation de gestion de l’air et de son nécessaire renouvellement ou, au moins, créer des liens entre les 2 réglementations.
Nous devrions faire évoluer la législation en ce qui concerne la gestion de l’air.
Tout comme l’isolation est devenue contraignante, les points ci-dessus pourraient le devenir, pas en sus de l’isolation, mais en parallèle … Il ne s’agit d’empiler des solutions, il s’agit de revenir à ce que nous avons oublié depuis beaucoup trop longtemps : le bons sens et la pertinence !
Quels seraient les impacts de cette approche du confort ?
Toutes ces préconisations auraient bien sûr pour conséquence première d’améliorer le ressenti de confort. Ceci permettrait d’atteindre l’objectif N° 1 de 80% des candidats à l’amélioration énergétique de leur habitat.
Si ce n’était que ça, cette révolution vaudrait la peine d’être défendue (nous avons bien conscience que tout ce que nous préconisons ci-avant en est une).
Cependant, ce virage ne génèrerait pas que cela, il aurait bien d’autres impacts.
Moins de consommation d’énergie fossile
En permettant un ressenti de confort en chauffant à moindre température, ce changement de paradigme permettrait de limiter la consommation d’énergie pour le chauffage.
Il est important de prendre, dores et déjà, conscience que, dans le futur, nous devrons probablement tous nous “serrer la ceinture” en matière d’énergie consommée car elle finira par manquer un jour, avec une moindre disponibilité …
Les énergies renouvelables sont, elles aussi, en quantité limitée, il serait illusoire de croire que nous aurons toujours autant d’énergie à notre disposition qu’aujourd’hui, ces solutions seraient une ouverture vers une frugalité non punitive.
Or, a minima, baisser la température de consigne de 1° permet d’économiser 7% d’énergie pour le chauffage. Nous disons « a minima » car si cette valeur était (peut-être ?) proche de la réalité il y a 30 ou 40 ans, elle ne l’est plus aujourd’hui. En effet, vu les améliorations apportées aux bâtis depuis lors, c’est plutôt vers les 15 à 20% d’économie par degré de consigne que nous tendons, ça peut même monter plus en terme de % économisé …
Moins de consommation de ressources fossiles
Ce qui est vrai pour l’énergie l’est aussi pour les ressources diverses.
Nous avons ici abordé les défauts de la plupart des matériaux leaders actuellement, citons : la laine de verre, les polystyrènes, les polyuréthanes, le ciment …
En plus des limites de performances globales de ces produits, des limites de leur recyclabilité, leur criticité va se faire jour, c’est inéluctable.
Leur production et leur transport (nous l’élargissons à celui nécessaire à leur distribution mais également celui nécessaire aux produits de base dont ils sont issus) font largement appel aux énergies fossiles.
Virage vers le biosourcé
Ces solutions vont aider à prendre le virage vers le biosourcé, ce à quoi nos préconisations ci-avant font la part belle. C’est une direction à prendre au plus vite, surtout si, en plus, c’est plus confortable.
Relocalisation
Nous tendons, avec ces matériaux, vers un économie relocalisée, donc moins de transports, travail pour une main d’œuvre locale.
En effet, beaucoup des solutions ci-avant peuvent être mises en œuvre avec des productions relativement locales. Elles font souvent appel à des savoir-faire spécifiques, parfois issus de traditions et savoirs locaux. Elles nécessitent souvent moins d’équipement mais plus de main d’œuvre pour leur mise en œuvre.
Moins de maladies
En favorisant les matériaux biosourcés, non pas du fait qu’ils sont biosourcés mais parce que leurs qualités devraient nous les faire préférer à d’autres, nous aurons moins d’émissions de COV dans les habitats, moins de perturbateurs endocriniens !
En maîtrisant mieux la teneur en eau de l’air ambiant, en favorisant la perspirance des parois, nous limiterons les points de rosée et, par voie de conséquence, le développement de moisissures. Ceci participera à la baisse des maladies des voies aériennes et les développements aux allergies.
Conclusion
Force est de constater que nous avons fait, que nous faisons encore fausse route.
Restait à proposer des solutions alternatives, ce que nous avons fait ici.
Peut-être que certains polémiqueront, peut-être serons-nous pris pour de doux rêveurs, cependant nous avons appuyé notre développement sur des faits tangibles, réels et inéluctables, tous étayés et relevant de la physique.
Or, s’il est possible de contester ses règles, ses effets, s’il est possible de ne pas y croire, nul ne peut lui échapper.
Au-delà de ce que cet article pourra susciter, une seule chose nous importe : à quand le changement de paradigme ? Vers quel(s) nouveau(x) paradigme(s) … la prise en compte des critères de diffusivité et effusivité ?
Nous avons une certitude : il serait déraisonnable de continuer dans cette fuite en avant !
Pour les sceptiques
Les earthships répondent à une grande partie des besoins évoqués ci-dessus, ils sont ce qu’ils sont, on les aime ou pas, mais thermiquement et au plan confort, ils ouvrent indéniablement des pistes.
Crédits photos : Burst by Shopify & Pixabay