La maison est quasiment choisie, mais voilà que surgissent des doutes : ne cache t-elle pas des vices qui n’auraient peut être pas été détectés au premier coup d’oeil ?
Pas forcément facile de savoir ce qu’il en est exactement, cette maison a peut-être subi des aménagements, des transformations successives.
Ont-ils toujours été faits selon la logique qui aurait dû être suivie ?
Contrairement à une maison neuve, nous sommes ici en présence d’un bien qui ne sera peut-être plus garanti, encore que, selon le temps écoulé depuis les travaux, ceux-ci peuvent l’être.
Rien ni personne ne peut changer ces états de faits, il ne sera pas possible de se prémunir contre toute éventualité de désordre, autant mettre de son côté toutes chances que les choses se passent bien.
Nous avons, dans 3 autres articles, abordé la comparaison entre l’achat d’ancien et la construction de neuf, sous les aspects subjectifs, objectifs et enfin techniques. Nous avons aussi traité des diverses techniques de construction (une a forcément prévalu à la construction de la maison objet du choix). Nous avons présenté les techniques que nous déconseillons et celles que nous conseillons.
Ces différents supports peuvent apporter quelques éclairages utiles.
Nous avons aussi publié ici 2 articles traitant de l’achat, pour l’un, de biens à murs massifs anciens et pour l’autres de techniques plus récentes, la période charnière est 1948.
De nombreux points seront à observer et, quelqu’en soit la difficulté, analyser afin de bien identifier ce qui a été fait, avec quoi et comment l’opération a été menée ainsi que l’état actuel des éléments.
Cet article est dédié au ciblage de ce qui devra être observé et de tout ce qui devrait alerter ou conforter dans le choix final : “j’achète ou pas ?”. En fonction de ce qui aura pu être constaté, un autre article traite de ce qui devra être prévu en terme de travaux éventuels.
Ces 2 articles permettront de demander les devis afférents à ces éventuels travaux et donc de bien maîtriser l’enveloppe financière totale, achat + travaux.
Enfin, si des travaux doivent être réalisés, il sera possible, grâce à cette approche finale, de déterminer un planning de réalisation et/ou d’occupation des lieux.
Préalable
Très souvent, lors de la visite des biens proposés à la vente, celui qui préside à la visite met en avant des points qui, à première vue, sont importants, mais sont-ils prépondérants ? La cuisine équipée d’un four à chaleur tournante, d’une plaque vitro-céramique récents; la salle de bains avec du sanitaire de couleur et le portail électrifié, c’est agréable, mais on peut vivre sans ou, pour les équipements divers, électroménagers et autres, les changer ne représentera pas une dépense énorme.
Par contre le coût de chauffage, des menuiseries non étanches à l’eau, l’isolation peut-être trop faible et tant d’autres points seront-ils à la hauteur des défis futurs qu’il faudra relever. Ce sont eux que nous allons aborder. Nous ne donnerons pas ici de recettes de traitement de l’un ou l’autre qui serait défaillant ou insuffisant, simplement la possibilité de repérer cette défaillance … en un mot : que faut-il regarder ?
Humidité
S’il n’est pas possible d’affirmer qu’un point particulier concentrerait la majorité des pathologies des maisons habitées, il ne fait par contre aucun doute que les problèmes liés à l’humidité sont dans le trio de tête des causes des désordres. Ceux-ci peuvent engendrer des atteintes au bâti lui-même, d’abord au plan visuel (auréoles, moisissures …), mais aussi olfactif, puis, petit à petit, atteintes possibles à la pérennité de l’ouvrage.
Même si ces faits sont moins visibles et si les liens de cause à effet sont plus difficiles à mettre en évidence, l’excès d’humidité et le développement de moisissures associé sont aussi causes de nombreuses pathologies au plan sanitaire et, par voie de conséquence, atteintes à la santé des occupants.
Dans ce domaine, le plus important des risques est lié aux spores des moisissures, spores qui sont très allergisantes. Il en résulte des maladies des voies aériennes : rhinites, laryngites, asthme …
Un effet encore moins connu concerne le ressenti de confort. Notre corps échange des calories avec l’air ambiant et le principal vecteur de cet échange est l’eau sous forme de vapeur contenue dans l’air. Au-delà d’une humidité relative de 60%, nous commençons à éprouver de l’inconfort. Cet inconfort sera contré par une augmentation de la température, ce qui aura pour effet de faire baisser l’humidité relative et … vider le porte monnaie des occupants tout en contribuant au dérèglement climatique. Nous avons déjà abordé ce sujet ici.
Au plan du porte-monnaie : non seulement il faudra viser une température plus élevée mais de plus, à température identique, chauffer de l’air très humide coûte plus cher que chauffer de l’air relativement sec.
Nous avons déjà publié ici plusieurs articles qui traitent de ce sujet. L’un d’eux traite du “pourquoi de l’eau dans nos maisons”, le 2ème traite des effets négatifs sur le bâti et nous-même et le 3ème traite des effets sur le confort.
Nature des murs
Les murs en béton au ciment Portland ou construits avec ses dérivés sont peu sujets aux remontées capillaires et donc, normalement, non sujets aux pathologies liées à celles-ci ( auréoles et traces d’humidité en pied des murs en contact avec le sol ou murs enterrés). Par contre, ils sont aussi très peu perspirants et il faudra évacuer toute l’humidité via le renouvellement d’air.
Crépis qui se décollent
Les murs anciens, en pierre, pisé, bauge ou autres matériaux, souvent construits avant les années 50 sont très sensibles aux remontées capillaires (car souvent dépourvus de rupteurs anti-humidité). S’ils ont été crépis avec du mortier au ciment Portland ou avec d’autres enduits étanchéifiants du fait de la présence de résines dans leur composition, la sensibilité peut vite passer au stade pathologie.
Le 1er des symptômes est un décollement des crépis, l’apparition de salpêtre non pas au pied du mur mais plus haut, alors que le bas semble “bien” est une indication de la présence d’un revêtement étanche en bas, ce qui force l’eau à monter plus haut avant de s’évaporer.
On a vu des murs de maisons en pisé s’écrouler et des murs en pierre fortement endommagés.
Cette vidéo illustre bien les effets délétères de ces crépis étanchéifiants sur des murs anciens.
Auréoles, traces de moisissures
La présence d’auréoles doit alerter. Elles sont la conséquence de la condensation d’eau (probablement en excès dans l’air) due à la baisse de température de l’air ambiant au contact d’une paroi trop froide (probablement pas ou mal ou insuffisamment isolée).
Elles se situent généralement aux angles de liaison mur/plafond ou proches des menuiseries.
Elles peuvent avoir été estompées. Toute partie d’un mur ou d’un plafond qui, proche d’un angle, aura un aspect plus sombre doit alerter.
Peinture récente
Il est courant, pour qui veut vendre sa maison, de lui redonner un semblant de jeunesse. C’est de bonne guerre, encore faut-il s’assurer que cela n’a pas été réalisé pour cacher un désordre, lequel est très généralement visuel et dû à des problèmes de gestion d’eau.
Il convient de déceler si l’intervention est récente.
La différence principale entre une décoration correcte bien qu’ancienne et un “ravalement en vue d’une vente” tient aux traces d’exposition à la lumière (couleur légèrement différente derrière les meubles). Si, vers les angles de liaison murs/dalle au niveau des parois extérieures nord il semble que la couleur est légèrement plus sombre, c’est qu’il y avait des traces dessous, probablement des moisissures. Ceci est particulièrement vrai dans les pièces d’eau.
Chauffage
Il s’agit du poste qui permettra, on l’espère, à coup sûr et quelques soientt les conditions de température et de composition d’air, d’atteindre le niveau de confort souhaité.
Selon ce qu’est la maison, selon son niveau d’humidité relative et la qualité de son isolation, les besoins seront plus ou moins élevés.
Nous souhaitons, ici, rappeler une évidence : nous chauffons pour compenser les pertes. Pour chauffer moins, il faut réduire les pertes (à confort équivalent bien sûr).
Nous pouvons donc avoir un impact certain sur les besoins de chauffage en minimisant la température requise pour ressentir du confort, et en limitant les fuites, donc en isolant.
Ce point est à prendre très au sérieux. C’est celui qui, à coup sûr, représentera une grande partie des dépenses futures liées à l’exploitation de la maison.
Factures des années passées
Un des moyens de se faire une idée de ce que coûtera le chauffage de la maison est de demander les factures de chauffage des années précédentes. Cependant cette information ne peut pas être suffisante car elle peut, d’une part, être tronquée (les vendeurs évoquent rarement ce qu’on appelle les chauffages d’appoint) et ils auront chauffé selon leur propre niveau de confort souhaité.
Or une différence de température de 1° représente environ 7% de différence de consommation pour le chauffage.
Estimation d’une consommation future
Les pertes de calories sont liées à la surface des échangeurs : les parois extérieures. Plus une architecture est complexe, à savoir plus, pour un volume exploitable déterminé, il y aura une surface de parois importante, plus cette maison “perdra” des calories. Le plus grand volume pour la plus petite surface de peau est la sphère. Sans tomber dans les extrêmes, plus un habitat est compact, moins il perd de calories.
Au-delà de la forme de la maison, ses ouvertures auront aussi un impact. Si elle comporte autant d’ouvertures au Nord qu’au Sud, c’est forcément un handicap. La répartition des pièces est aussi à prendre en compte : un séjour/cuisine plein Nord car c’est là que se situe la vue la plus agréable engendrera plus de besoins que le même en plein sud …
L’exposition du terrain aura aussi une importance considérable : le soleil est une excellente chaudière, peu coûteuse à l’usage mais encore faut-il que la maison n’en soit pas cachée par un écran tel qu’une montagne, un immeuble, des arbres à feuillage persistant …
Tous ces sujets relèvent de ce qu’on appelle le bioclimatisme.
Isolation
Le niveau d’isolation a énormément évolué depuis la 1ère réglementation thermique, conséquence du 1er choc pétrolier en 1973…
Une des bases sur le niveau d’isolation est de se fier aux années de construction (en tout cas sur ce qui était obligatoire … est-ce que les réglementations ont été suivies, les travaux ont-ils été réalisés selon les règles de l’art ?).
Avant 1973, aucune obligation donc, souvent, rien ! Parfois des travaux d’amélioration ont été réalisés depuis cette date. Il serait très intéressant de pouvoir s’appuyer sur le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Malheureusement un DPE n’est pas forcément fiable. Ces diagnostics ont d’ailleurs été épinglés à ne nombreuses reprise. Il est probable que les choses vont s’améliorer, mais à ce jour, juillet 2018, ce n’est pas encore le cas!
Sur quoi se baser ?
Rien ne peut représenter, en soi, une base certaine qui permette de déterminer le niveau de performance probable de la maison au plan énergétique.
Il faudra se baser sur différentes analyses et différents contrôles pour se faire une idée de l’état de l’isolation.
Si la maison est à combles perdus, il faut absolument y monter, au moins passer la tête par la trappe d’accès afin de se faire une idée au plan visuel de l’état de l’isolation.
Des auréoles sont aussi la preuve, au-delà d’un excédent probable de vapeur d’eau tel que décrit ci-avant, de la possibilité d’une paroi insuffisamment isolée (ou les 2 à la fois).
Pour les maisons neuves construites depuis les années 1970, l’année de construction est aussi un indice intéressant. Sous réserve que la réglementation ait été respectée et que les travaux aient été bien réalisés, les gains en performance thermique ont été importants à chaque nouvelle réglementation. Les différentes Réglementations Thermiques (RT) ont été les suivantes : 1974, 1982, 2000, 2005, 2012, 2020.
Pour se donner une idée de l’évolution : en admettant que la RT 2020 vise d’arriver à un bâtiment qui ne consommerait que ce qu’il pourrait lui-même produire, donc conso. = 0€, en remontant, on aurait : RT 2012 = 500€; RT 2005 = 1500€; RT 2000 = 1900€; RT 1982 = 2300€; RT 1974 = 2900€ ! Alors le Monsieur qui, en toute bonne foi, dit : “le toit est isolé, c’est moi qui l’ai fait en 1975 …”, inutile de se voiler la face, sauf si l’isolation a été refaite ou améliorée par les différents occupants, il vaut mieux prévoir une reprise de l’isolation !
Menuiseries
Au-delà de leur aspect visuel, les menuiseries et les vitrages ont aussi connu une progression de leurs performances.
S’il n’est pas possible d’affirmer que c’est exactement dans les mêmes proportions que les isolations, c’est quand même du même ordre.
Donc, sauf à ce que les menuiseries aient été changées récemment, ce sera peut-être à prévoir.
Renouvellement d’air
Même si la maison, objet des désirs, a été occupée et habitée sans cet accessoire pendant des années, même si le vendeur affirme qu’il n’y en a pas besoin, nos modes de vie ont considérablement changé et les émissions de vapeur d’eau dans la maison seront probablement beaucoup plus importantes dans le futur que ce qu’elles ont pu être dans le passé. Le moyen le plus sûr de les gérer est le renouvellement d’air.
Nous avons abordé ici le sujet de la teneur en eau des maisons dans plusieurs articles, certains dédiés à la qualité de l’air, d’autres aux pare-vapeurs, ils peuvent être utilement consultés pour bien comprendre en quoi nos changements de style de vie ont engendré la nécessité de renouveler l’air sérieusement.
Pérennité de l’ouvrage
Dans certains pays, une maison, au-delà de son usage, est un bien de consommation et, à ce titre, aura une durée de vie relativement courte.
En France, l’achat d’une maison est certes d’abord la réponse à un besoin de s’assurer le gîte, la sécurité de l’abri, le confort, mais c’est aussi la constitution d’un patrimoine, au moins une partie de ce patrimoine.
Ne serait-ce que pour cette raison, il est nécessaire que le bien perdure.
En Nord Isère, région de tradition de maisons en pisé, technique constructive présentant de très nombreux avantages, mais sensibles à l’eau, on dit que pour qu’une maison dure dans le temps, il lui faut “de bonnes bottes et un bon chapeau”. On entend par là les fondations et la couverture.
Les fondations auront pour rôle de gérer les remontées capillaires (point déjà abordé ci-dessus) et aussi de maîtriser l’appui de la maison sur le sol.
La couverture assurera l’étanchéité de la maison à la pluie.
État de la charpente
C’est elle qui porte la couverture. Il est donc très important qu’elle soit en bon état et, ainsi, en capacité d’assurer ce rôle.
Par extension, nous y intégrons les différents solivages et poutraisons qui, eux, portent les planchers des différents niveaux (cas de planchers en bois).
Ce qui peut affecter cette capacité est d’origine, soit une attaque d’insectes xylophages, soit des infiltrations d’eau qui auront permis aux moisissures de faire leur œuvre et provoquer le pourrissement de tout ou partie des éléments bois porteurs.
Les attaques d’insectes sont généralement limitées à l’aubier. Si l’attaque est plus profonde, il y a probablement des raisons de défaut de gestion de l’humidité des bois.
Fissures
Il s’agit le plus souvent de micro-fissures qui, bien que visuellement désagréables, ne prêtent pas à conséquence. Celles-ci sont généralement étroites et limitées en longueur et profondeur. Si elles vont d’une ouverture à une autre ou si des éléments de l’ouvrage tels que des ouvertures semblent ne plus s’aligner correctement, alors il y a de fortes chances que ce ne soient plus des micro-fissures.
Il se peut que ces fissures et/ou défauts d’alignement soient dus à un tassement irrégulier du sol, au séchage du sol porteur, particulièrement les sols argileux. Cette pathologie devient de plus en plus courante. La cause en est les sécheresses à répétition, de plus en plus longues (conséquences du réchauffement climatique ?).
Faux aplomb, faux niveau
Les murs peuvent ne plus être d’aplomb, les planchers ne plus être de niveau, les menuiseries ne plus s’aligner correctement. Nous sommes là probablement face à une des 2 pathologies les plus courantes.
La première relève du tassement différentiel du sol support de la maison. Ceci se produit rarement sur des maisons à semelles filantes en béton armé. Par contre elles ne sont pas rares sur des bâtis anciens datant d’avant les années 50 et dépourvues de tout type de fondations homogènes mais posées sur ce qu’on appelle des fondations cyclopéennes.
La deuxième cause de ces désordres relève souvent de l’assèchement du sol lorsqu’il est argileux.
Divers
Gouttières
L’absence de gouttières et d’évacuation des eaux de pluie peut expliquer des infiltrations d’eau en façade, des remontées capillaires excessives.
Parements des murs
Nous avons déjà abordé les crépis au ciment Portland sur les murs à fortes remontées capillaires, nous n’y reviendrons pas. Par contre, tous les murs, quels qu’ils soient, doivent pouvoir gérer les eaux de pluie et en permettre l’écoulement sans infiltration.
Le parement de protection d’un mur, qu’il soit un crépi minéral, un bardage bois ou autre, doit assurer cette fonction.
Bétons au sol
Toutes les maisons dont les murs anciens sont édifiés sur des fondations cyclopéennes ou sur des lits de sable sont très sensibles aux remontées capillaires.
Tout élément susceptible de bloquer les remontées capillaires du sol risque fort, en bloquant cette ascension verticale, de ne laisser d’autre choix à l’eau que de migrer à l’horizontal avec le risque d’accentuer les remontées dans les murs. Il faut donc se les interdire.
Arbres trop prêt
Un arbre développe dans le sol un système racinaire complexe et fort étendu. En simplifiant au maximum, cet ensemble racinaire s’étend sur une surface au moins équivalente à la projection au sol de sa ramure. Si, alors qu’il est trop prêt de la maison, les branches d’un arbre frottent contre un mur ou passent au dessus d’un toit, ce qui est déjà en soi une source de problème, ses racines risquent aussi de déstabiliser l’ouvrage, et probablement les canalisations (assainissement, eau).
Conclusion
Il est extrêmement difficile de tout voir, tout comprendre, tout analyser d’une maison avant son achat.
Se faire conseiller par une connaissance qui a déjà, elle-même, rénové une maison ou construit la sienne est une 1ère précaution.
Cependant, même si le recours à un professionnel aguerri représente un coût non négligeable, nous conseillons vivement à tout candidat à l’achat de se faire aider par un homme de l’art.
Nous entendons par là, pas simplement un artisan, chacun étant capable d’analyser son propre lot mais rarement celui des autres, un professionnel de la globalité : habitologue, architecte, maître d’œuvre, … Les 1000 ou 1500 euros investis seront bien vite amortis !