La maison à ossature bois à le vent en poupe, dans certaines régions, dont l’Alsace, ses parts de marché (vidéo) connaissent une progression à 2 chiffres. Les professionnels s’en réjouissent et nous nous associons à cette satisfaction.
Ceci pour de multiples raisons que nous avons déjà développées ici au travers d’articles dont certains spécifiquement dédiés à la construction bois, allant jusqu’à démystifier le vrai du faux. Nos colonnes se font très régulièrement l’écho de ce type de construction, tant en France qu’à l’étranger.
Cette tendance est, en fait, un retour aux ressources. En effet, au fil de l’histoire, la France a beaucoup construit en bois.
Cependant, face à cet engouement, n’y a-t-il pas la tentation pour certains de se faire encore plus beau (ou belle) que dans la réalité ?
C’est ce que nous allons analyser dans cet article.
Tendance du marché
Il faut reconnaître que les techniques de construction bois et le matériau principal, le bois, présentent de nombreux avantages.
Construire une maison ainsi est plus rapide que construire une maison dite “en dur”. Le matériau, non content d’afficher un excellent bilan au plan des gaz à effet de serre est, en ce qui concerne plus spécifiquement le carbone, un piège pour cet élément. C’est même le seul piège à carbone connu et, à ce jour, d’un emploi réel et peu coûteux.
Fort de ces constats et face à une demande croissante du public, de nombreux charpentiers, constructeurs et/ou industriels se sont lancés dans l’aventure.
C’est heureux d’ailleurs car il faut bien accompagner cette demande. Cependant, la tentation, pour certains, est grande d’aller loin dans le concept, très loin.
Maison à haute performance énergétique
Les maisons à ossature bois, naturellement propices à la réduction des ponts thermiques du fait que le matériau de base, le bois, est non caloporteur, sont une des voies les plus simples pour proposer des maisons à haute performance d’isolation.
Il est relativement facile, avec cette technique, d’arriver à des niveaux élevés de performance, reconnus entre autres dans des labels français, par exemple : Effinergie, Bepos, maison BBC, maison passive, ainsi que dans des labels étrangers, par exemple pour l’Allemagne : Passivhaus ou pour la Suisse : Minergie.
Greenwashing
Certains, face à la vague, pourraient être tentés de faire le bébé très beau, plus beau qu’il est en réalité ? Entendons-nous bien, il ne s’agit pas, dans ce qui va suivre, de dénier les qualités d’isolation ou les performances globales des maisons proposées, simplement les analyser via la lorgnette de l’écologie.
Nous avons pris en exemple 2 constructeurs et vous livrons, au travers de leur communication, le genre de dérives que nous avons constatées.
Maison Pop-Up
Qu’est-ce qu’une maison Pop-Up ?
La philosophie de l’entreprise est toute entière dans la 1ère phrase de sa présentation :
Extrait : “Pourquoi construire une structure de bâtiment pour l’isoler ensuite, si on peut construire une structure déjà isolée ? … »
« … C’est cette réflexion qui a conduit Corentin Thiercelin à imaginer le concept PopUp House en 2012.”
Une logique imparable et nous y souscrivons totalement.
C’est la suite qui nous a interpellés, notamment les réponses à quelques questions que l’entreprise met elle-même en avant et que nous allons aborder ci-après.
Quel est le prix d’une maison Popup house ?
Extrait du site : “Des matériaux peu onéreux et une mise en oeuvre rapide et simplifiée assurent une maison économique. L’isolation thermique exceptionnelle vous garantit tous les mois des économies en énergie.”
Nous le verrons plus loin, ces matériaux peu onéreux sont en fait un isolant que nous connaisons bien, le PSE.
Les prix annoncés se situent à un niveau correct mais n’ont rien d’exceptionnel.
Dans le processus, nous découvrons aussi que, a priori, les frais liés à la demande de permis de construire ne sont pas inclus.
L’ensemble est vendu hors VRD, ce qui est normal et pratiqué par tous les constructeurs, les travaux de voirie, réseaux et distributions n’entrant pas dans le pannel de ceux de l’édification du bâtiment à proprement parlé. Ils sont attachés au terrain d’assiette.
La fourchette de prix hors d’eau, hors d’air va de 900 à 1000 € TTC, ce qui situe la prestation dans un panel somme toute classique compte tenu du type de soubassement, à savoir des piliers métalliques vissés dans le sol, technique correcte au demeurant, mais peu onéreuse, en tout cas beaucoup moins qu’un classique soubassement en maçonnerie.
L’ensemble est annoncé hors assurances, ce qui, compte tenu de la présentation globale, pose un problème.
En effet, il est annoncé que la maison peut aussi faire l’objet d’un contrat avec maîtrise d’œuvre déléguée ou clé en mains. Extrait du site et de la rubrique “Qu’est-ce que vous achetez ?” : “Vous êtes en relation directe avec le professionnel local proposé par PopUp House. (en savoir plus : « Je veux une PopUp House. Que dois-je faire ? »)
C’est lui qui vous fournira un devis précis, réunissant prix des matériaux PopUp, mise en oeuvre et maîtrise d’oeuvre. Vous passez un contrat avec ce professionnel et achetez votre bien directement auprès de lui.”
Or, à notre connaissance, attendu que l’assurance “Dommage-Ouvrage” est obligatoire, le professionnel en question ne devrait pas signer une mission sans cette assurance, sauf à ne pas remplir son devoir de conseil.
Qui proposera cette assurance, quelle compagnie assurera cette prestation et qui la prendra en charge ?
La version Clés en main est annoncée allant de 1300 à 2000€ le m2, attendu que le prix minimal d’un hors d’eau, hors d’air est, lui, annoncé à 900€, nous pensons que le prix réel du clés en mains sera beaucoup plus proche de 2000€/m2 que de 1300, ou alors l’équipement sera réduit à sa plus simple expression. Sachant que le niveau de performance annoncé est élevé, il faudra quand même des équipements de très bonne qualité et dotés de rendement de haut de gamme. La quadrature du cercle est-elle, ici, de l’ordre du possible ?
Une présentation, originale et attractive, de la répartition des prix nous permet de découvrir que la part réelle du coût total imputable à Pop-up House est de 31%.
Il semble assez délicat, à la lecture de cette présentation, d’annoncer ainsi des prix “clés en mains”. Nous ne voyons pas, en effet, la part incombant à l’entreprise agréée par Pop-up house qui proposerait cette prestation et qui, de fait et en sus de ses coûts de maîtrise et suivi de chantier, devrait fournir elle-même (incluse dans son prix de prestation) l’assurance “Dommage Ouvrage”.
Le respect de l’environnement
Voici LE matériau peu onéreux : le polystyrène expansé graphité PSE !
Matériau durable
Durable, il l’est : il faut compter 1000 ans pour sa dégradation totale !
C’est à la fois un avantage et un inconvénient. C’est un avantage dans la mesure où il demeure performant très longtemps (pdf) avant que son processus de dégradation ne s’enclenche.
Par contre la version graphitée craint particulièrement les UV.
Nous avons déjà abordé ce risque de dégradation sous l’effet des UV dans un article dédié à une production à base de graphite.
Nous avons bien sûr droit au traditionnel couplet (extrait du site Pop-up House) : “Ce PSE est composé à 98% d’air. Les 2% restants proviennent de la valorisation d’un dérivé issu du raffinage du pétrole : le naphta. Inutilisable en tant que combustible, il deviendrait un déchet s’il n’était pas utilisé dans la production du polystyrène. Le PSE est créé par l’expansion de billes de styrène avec de la vapeur d’eau, sans solvant ni colle. Ce composant de base, le monomère styrène, est présent dans les plantes à l’état naturel.”
Voyons un peu ce qui se cache derrière ces affirmations :
98% d’air : juste, mais …
Mais de quoi sont faits les 2% restants ? Un déchet de raffinage, le naphta. Dont acte. Et qui, s’il n’était utilisé ici, serait un déchet. Bien, vu sous cet angle …
Cependant c’est oublier un peu vite ce que provoque l’industrie pétrolière. Pour rappel, liste non exhaustive : relâchement dans l’atmosphère de divers gaz à effet de serre, dont du carbone sous forme de CO2, piégé dans le sous-sol depuis le carbonifère (vidéo), entre -299 et -350 millions d’années. Nous avons déjà abordé ici les méfaits du relâchement du carbone piégé depuis ces temps immémoriaux et la différence qu’il faut en faire par rapport au cycle naturel du carbone qui, lui, est nécessaire à la vie.
Sans solvant ni colle : juste, mais …
Sans agent expanseur ?
A notre connaissance, il n’est pas possible de produire du PSE sans agent expanseur.
Il en a été utilisé divers, dont certains sont restés tristement célèbres, à commencer par les CFC qui attaquaient la couche d’ozone. Ils ont été abandonnés au profit des HFC, les Hydrofluorocarbures qui, eux, ne s’attaquent pas à la couche d’ozone, mais contribuent très largement à l’émission de gaz à effet et donc au dérèglement climatique.
Attendu que les HFC sont maintenant également sur la sellette, il est envisagé (certains ont déjà fait le pas) de produire du polystyrène avec un nouvel agent expanseur, le HFO. Notre article traitant de cette évolution met en évidence que si ces produits sont moins émetteurs de GES, ils demeurent quand même impactants sur le dérèglement climatique.
Ce composé est présent dans les plantes à l’état naturel : juste mais …
Le cyanure aussi est présent à l’état naturel dans des plantes ainsi que le curare et tant d’autres substances et qui pourtant, une fois concentrées, deviennent toxiques : voilà bien le genre d’affirmation qui peut, abusivement, rassurer et inciter à l’abandon de toute précaution.
Non toxique et non polluant
Encore une affirmation relevée sur le site : non toxique, en soi, probablement, mais non polluant, à une époque où nous connaissons l’existence de ce que certains ont qualifié de 7ème continent, voilà encore une affirmation, pour le moins, osée.
100% recyclable : juste mais …
Extrait du site (Pop-up House) “100% recyclable : chaque année 7 000 tonnes de PSE sont recyclées pour obtenir de nouveaux produits”
Certes, ce chiffre est probablement vrai, mais il faut le mettre en corrélation avec le tonnage annuel produit en France : environ 600 000 tonnes !
Par ailleurs, pour être recyclé, le polystyrène, comme tous les autres matériaux, doit être exempt de pollution, c’est à dire séparé des autres. Qui assurera la séparation du polystyrène et des bois d’ossature (nous pensons qu’une partie au moins des bois d’ossature est collée avec l’isolant en atelier).
Résistance au feu
Chacun sait que le polystyrène brûle, et il brûle d’ailleurs très bien, dégageant à cette occasion de la chaleur et des vapeurs toxiques.
Pour qu’il ne brûle pas, il faut l’ignifuger.
Extrait du site Pop-up House : “Nous utilisons du PSE ignifugé …”
C’est rassurant au niveau incendie, mais faut-il pour autant être rassuré sur tous les plans ? Probablement pas, en tout cas selon un document (pdf) de l’INRS qui explique que, soit sous l’effet de la combustion directe, soit sous l’effet de la chaleur (par pyrolyse), le polystyrène, aux mêmes températures, relâche les mêmes vapeurs de : styrène et ses oligomères, benzène, éthylbenzène, toluène, mono et dioxyde de carbone …
Et qui plus est, ce document nous informe que l’ignifugeant ajouté laisse, lui-même, émaner des vapeurs toxiques sous l’effet de la chaleur (vidéo) !
Conclusion sur les maisons Pop-up en elles-mêmes.
Pour qui aime les maisons à toit-terrasse, l’aspect peut plaire, pour les autres, il n’y a pas d’alternative possible, c’est toit-terrasse ou rien !
Le pdg de Pou-up House, dans une interview, va jusqu’à nous dire qu’une telle maison peut être démontée et remontée ailleurs … nous qui pensions qu’une maison était la rencontre entre un lieu, ses contraintes (d’exposition, d’accès, de topographie, de vue …), des habitants, un environnement, nous avons dû faire fausse route. Manifestement, c’est un lieu fermé qui se met là où on veut, comme veut … nous n’avons clairement pas la même notion de ce qu’est l’architecture.
Lorsque l’on sait, tel que nous l’avons dit ci-avant, que le polystyrène graphité craint les UV et que, sur certaines photos nous croyons voir un bardage à claire voie avec un pare-pluie de protection et, derrière, le polystyrène, si nous avons bien analysé ces photos, nous craignions le pire pour l’isolant … (Nous espérons sincèrement qu’il y a au moins un panneau de protection avant le pare-pluie).
Maisons Logelis
Chez Logelis il ne s’agit plus de polystyrène, mais de polyuréthane, un panneau sandwich avec l’isolant enfermé entre 2 panneaux d’OSB.
Murs
Ils sont réalisés à base de Logiwall, des éléments composés de panneaux polyuréthane enfermés entre 2 panneaux d’OSB et renforcés par des poteaux bois
Toit
Il est aussi composé de panneaux sandwich, mais nous n’avons pas trouvé plus d’informations à son sujet.
Prix
Là aussi, les éléments isolants et le peu de structure ajoutée permettent au fabricant de revendiquer un positionnement intéressant (extrait du site) : “Grâce au Logipanel® et à Maisons Logelis, votre maison clé en main bénéficie d’un des meilleurs rapports qualité-prix du marché.”
Type de contrat
Logelis a opté pour la vente “clés en mains” et s’est développée sous forme d’agences régionales.
Les assurances obligatoires sous cette forme de vente sont apportées par le constructeur lui-même. C’est là un point très rassurant.
Les performances
Compte tenu du principe constructif et de l’isolant choisi, le polyuréthane, elles sont de très bon niveau.
Environnement
C’est là que se situe, à notre sens, le greenwashing.
Extrait du site du constructeur : “Une efficience énergétique grâce au Logipanel® et aux Smart Grid mis en place.
Les enjeux environnementaux sont une préoccupation qui est au centre du projet d’innovation de Logelis. Nos bâtiments sont construits de manière à atteindre l’efficience énergétique la plus optimale possible. Cela se traduit par l’utilisation de notre Logipanel®, un panneau isolant exceptionnel qui permet de minimiser les pertes énergétiques durant toute la durée de vie de nos bâtiments …”
Tout comme nous l’avons développé ci-avant pour les maisons Pop-up, nous pensons que l’aspect environnemental ne doit pas être réduit à l’impact “coût d’exploitation” à l’usage, mais au coût total de la construction lors de son édification et du fait de son exploitation et, plus encore, à l’impact global envers l’environnement.
Nous ne re-développerons pas ici ce qui l’a déjà été ci-avant concernant l’utilisation d’un matériau issu de la pétrochimie mais en tirons les mêmes conclusions : pas aussi respectueux ni vertueux qu’annoncé, véritable greenwashing.
Conclusion
Nous avons choisi 2 fabricants ou constructeurs pour analyser la tendance. Nous aurions pu en choisir d’autres, ceux-là ne sont pas pires ou meilleurs que les autres, ils sont emblématiques, chacun à sa façon, d’un mouvement : performant, rapide, pas cher et respectueux de l’environnement.
S’ils permettent effectivement de produire des maisons performantes au plan de l’isolation, rapides à construire, rien n’est prouvé, pour le 1er en tout cas concernant ses prix, et pour les deux concernant le respect de l’environnement.
La maison ossature bois a donc toute sa place dans une démarche écologique si on y associe des matériaux (notamment en isolation) véritablement écologiques, au sens où nous l’entendons chez Soigner l’habitat !
Crédit photo de couverture : David Mark Pixabay